Démos 2/2023
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Effets de la pandémie de COVID-19 sur le mouvement naturel de la population

Éditorial

En Suisse comme ailleurs, la pandémie de COVID-19 s’est traduite par une augmentation des décès, le vieillissement démographique n’expliquant pas à lui seul l’ampleur de cette évolution. En termes de décès, quelles particularités peuvent être mises en évidence? Comment les vagues pandémiques ont-elles modulé la mortalité en Suisse?

En raison des différentes mesures nationales mises en place, il est également intéressant d’étudier si et dans quelle mesure la situation sanitaire a eu un effet, direct ou indirect, temporaire ou pas, sur les naissances, les mariages et les divorces. Dans les faits, la vie familiale, incluant les mariages et les projets de parentalité, a été mise à rude épreuve. La pandémie a influencé l’intensité et le calendrier des unions, ainsi que des naissances de premiers enfants. Quel effet ces ajournements ont-ils eu sur les naissances? Qu’observe-t-on? Les divorces ne sont pas en reste. Leur évolution en dents de scie témoigne des bouleversements répercutés dans la sphère familiale. La pandémie a-t-elle été un déclencheur?

Le présent numéro du Démos jette un regard rétrospectif sur certaines composantes du mouvement naturel pendant la période pandémique, à l’échelon régional et national.

Bonne lecture!

Fabienne Rausa, OFS

Sommaire:

1 Évolution mensuelle de la mortalité en Suisse de 2020 à 2022

2 Évolution des décès au Tessin pendant les années de la pandémie de COVID-19

3 Quid des naissances, des mariages et des divorces en Suisse pendant les années pandémiques?

Informations complémentaires

Évolution mensuelle de la mortalité
en Suisse de 2020 à 2022

Lors de ces trois dernières années, tout le monde a pu s’informer régulièrement de l’évolution de la pandémie de COVID-19 et du nombre de décès liés à cette dernière. Cet article n’a ainsi pas pour but de révéler de nouvelles informations, mais son objectif est de faire une synthèse des données observées durant cette période. Il présente l’évolution mensuelle des décès entre 2020 et 2022 en mettant en évidence les pics de mortalité observés et il compare les niveaux mensuels de la mortalité selon le sexe et dans les cantons à l’aide de taux de mortalité standardisés.

En raison d’une croissance démographique importante au cours du XX e siècle et d’un progrès régulier de l’espérance de vie, le nombre de personnes âgées a rapidement augmenté au cours des dernières décennies. Ces personnes ont atteint dernièrement des âges où les taux de mortalité sont très hauts et ainsi, de 2010 à 2019, le nombre de décès a augmenté peu à peu. La brusque hausse du nombre de décès en 2020 et les valeurs relativement élevées de ce nombre enregistrées en 2021 et 2022 ne peuvent cependant pas être expliquées simplement par cette évolution. En se penchant sur les données mensuelles, on peut observer clairement des pics de décès inhabituellement élevés liés à la pandémie de COVID-19. En comparant ces grandeurs aux valeurs correspondantes observées entre 2015 et 2019, on constate des périodes de surmortalité nettement plus prononcées en 2020, 2021 et 2022 qu’auparavant.

Une évolution exceptionnelle de la mortalité

Au cours des trois dernières années, les décès observés annuellement sont bien plus nombreux que ceux enregistrés en moyenne lors de la décennie passée. On dénombre en effet 76 000 décès en 2020, 71 000 en 2021 et un peu plus de 74 000 en 2022, alors que la valeur moyenne pour la période 2010–2019 se monte à 65 000 avec un maximum de près de 68 000 en 2019 et un minimum de 62 000 en 2011. La hausse régulière du nombre annuel de décès au cours des dernières décennies était due à l’accroissement de la population de la Suisse et à son vieillissement. L’augmentation particulièrement marquée de ce nombre en 2020 et son maintien à des valeurs élevées au cours des deux années suivantes sont plus spécifiquement liés à la pandémie de COVID-19.

Nous présentons dans ce texte l’évolution mensuelle du nombre de décès durant ces trois années (cf. graphique G1), mais aussi celles de taux de mortalité standardisés (cf. graphique G2). Ces taux permettent de déterminer l’évolution réelle de la mortalité en neutralisant l’influence du changement de la structure par âge et de l’effectif total de la population. Ils donnent également la possibilité de comparer directement les niveaux de la mortalité des cantons en écartant les différences de taille et de structure par âge des populations cantonales (cf. point 2 dans encadré «Méthode»). Nous déterminons quels mois ont des niveaux exceptionnellement élevés en comparant ces grandeurs aux valeurs mensuelles moyennes observées entre 2015 et 2019 (cf. point 3 dans encadré «Méthode»).


Quand a-t-on observé une mortalité plus élevée
au cours des trois dernières années?

On note deux périodes en 2020 comptant un nombre de décès bien plus élevé que lors des années précédentes (cf graphique G1): en avril (+26%) et spécialement en novembre-décembre (resp. +66% et +61%) Étant donné le nombre de jours variable d’un mois à l’autre, nous calculons les décès journaliers moyens mensuels pour ne pas fausser les comparaisons. . En 2021, les décès sont plus nombreux qu’habituellement en janvier (+20%) et novembre-décembre (+16% et +28%), mais avec des niveaux bien moindres que l’année précédente. Au cours de l’année 2022, la majorité des mois comptent nettement plus de décès que les mois correspondants de la période 2015–2019. On observe trois périodes où le nombre de décès dépasse de 10% les valeurs moyennes de 2015–2019, premièrement, les mois de mars et avril, ensuite la période s’étendant de juin à août et enfin celle allant d’octobre à décembre. Les différences les plus élevées étant celles observées en juillet (+19%) et en décembre (+25%).

Les taux standardisés de mortalité confirment les observations des valeurs brutes (cf. graphique G2). On trouve par exemple un écart relatif de 56% entre les taux de novembre 2020 (12,6 pour mille) et le taux moyen de 2015–2019 pour les mêmes mois (8,1 pour mille). Pour le mois de décembre 2020, on trouve un écart de 51% entre les taux observés (12,9 pour mille) et le taux moyen du même mois (8,5 pour mille).


Y a-t-il des évolutions différentes selon le sexe ou l’âge ?

Les écarts entre le nombre de décès observés au cours des différents pics de 2020, 2021, 2022 et les valeurs moyennes de 2015–2019 sont plus grands pour les hommes que pour les femmes. En 2020, le pourcentage de décès supplémentaires est, au mois d’avril, de 28% pour les hommes contre 23% pour les femmes. En novembre, on compte respectivement 73% de décès supplémentaires pour les premiers contre 59% pour les secondes et, en décembre, 65% contre 58%. En janvier 2021, les décès excédentaires se montent à 27% pour les hommes contre 15% pour les femmes. En décembre 2021, ces écarts s’élèvent respectivement à 31% et 26%. Au cours de l’année 2022, la situation s’inverse. On observe en effet des variations plus élevées pour les femmes à la fin de l’année. Au mois de décembre, elles s’élèvent à 28% pour les femmes contre 21% pour les hommes. Les taux de mortalité standardisés – annulant également la différence entre la structure par âge des hommes et des femmes résidant en Suisse (cf. point 2 dans encadré «Méthode») – confirment que les écarts sont plus importants pour les hommes que pour les femmes à l’exception de décembre 2022 (cf. graphique G3). On observe, par exemple en novembre 2020, un taux de 16,1 pour mille (+63%) pour les hommes contre 10,1 (+48%) pour les femmes. La pandémie a ainsi touché plus fortement les hommes.


La mortalité des personnes de 0 à 64 ans au cours de la période 2020–2022 ne varie que peu par rapport à 2015–2019. On n’observe pas de valeurs mensuelles nettement plus élevées que celles de la période de référence. Néanmoins, lors des pics observés pour la population totale, les valeurs sont un peu plus hautes que pour les mois correspondants des autres années (cf. graphique G4). Dans le groupe d’âge des 65 ans ou plus, les décès sont clairement plus nombreux qu’habituellement durant ces trois années. On observe des variations importantes par rapport à la moyenne de 2015–2019 au mois d’avril 2020 (+28%), novembre 2020 (+75%) et décembre 2020 (+69%), janvier 2021 (+22%), novembre et décembre 2021 (+19% et +30%), ainsi qu’en juillet 2022 (+20%) et décembre 2022 (+28%). Les taux standardisés confirment ces écarts relatifs importants. Il faut noter que les 80 ans ou plus ont les plus grandes variations du nombre de décès pendant cette période.


Qu’observe-t-on dans les cantons ?

Le taux de mortalité standardisé le plus élevé de la période 2020–2022 est observé dans le canton d’Appenzell R.-Int. Il se monte à 24,1 pour mille en novembre 2020 Ce taux correspond à 35 décès au lieu d’une moyenne de 10,2 pour ce mois entre 2015 et 2019 avec une valeur minimale de 7 décès et maximale de 12 pour les mois de novembre de cette période. . Il est suivi par les taux des cantons de Fribourg (19,2) et du Valais (18,1) au cours du même mois. La quatrième valeur la plus haute se trouve dans le canton de Glaris (17,6) durant le mois de janvier 2021, et la cinquième valeur se situe à Saint-Gall (17,4) lors du mois de décembre 2020. Contrairement à tous les autres cantons, celui de Nidwald ne semble avoir subi aucune augmentation nette de sa mortalité lors des premiers pics de décès en Suisse. On note cependant une valeur plus élevée que d’habitude pour ce canton en décembre 2021 (10,9). Ce taux reste cependant éloigné de la valeur maximale pour ce mois-ci. Elle se monte en effet à 15,1 pour le canton du Jura. Au début de la pandémie en mars 2020, peu de cantons connaissent des valeurs spécialement élevées. On peut néanmoins citer le Tessin (12,1), Bâle-Ville (11,8), Vaud (9,9) et Genève (9,2). D’autres cantons, comme Appenzell R.-Int. (11,8), ont des valeurs aussi élevées que les cantons évoqués ci-dessus, mais en raison de la taille réduite de la population de ces derniers impliquant des fluctuations aléatoires relativement importantes, on ne peut pas affirmer que ces taux sont inhabituels. En avril 2020, le Tessin et tous les cantons de Suisse romande, à l’exception du Jura, ont des valeurs nettement plus élevées que les valeurs normalement observées durant ce mois (cf. graphique G5). Les cantons en Suisse alémanique semblent par contre peu touchés au cours de cette période.


Conclusion

Au cours des trois dernières années, le niveau de la mortalité en Suisse a été exceptionnellement haut à plusieurs reprises. Le pic le plus élevé se situe en novembre et décembre 2020. Alors qu’avec la grippe les pics de décès se situent généralement au milieu de l’hiver – en janvier ou février – les pics liés aux COVID-19 sont plus prononcés à la fin de l’automne. On peut relever que les hommes ont été plus touchés que les femmes, même si l’on observe un renversement en 2022. Les personnes de 80 ans ou plus ont été les principales victimes, alors que les personnes de moins de 65 ans n’ont été que relativement peu concernées par ce risque accru de décéder. Dans toute la Suisse, les taux de mortalité ont atteint des valeurs inhabituelles. Cependant, au début de la pandémie, seuls les cantons romands et le Tessin ont enregistré des taux spécialement élevés. Les taux de mortalité vont-ils se maintenir à des niveaux élevés ou vont-ils baisser en raison d’une compensation de la mortalité importante observée durant la pandémie ? Seul un suivi de l’évolution de ces taux lors des prochaines années nous permettra de répondre à cette question.

Raymond Kohli, OFS

Méthode

1) Afin d’inclure les chiffres les plus récents dans cette analyse, il a été nécessaire d’utiliser des données provisoires pour l’année 2022. Il s’agit des résultats diffusés le 4 avril 2023 par l’OFS. Dans les données provisoires, certains cas enregistrés tardivement manquent. Ils sont cependant compris dans les chiffres définitifs.

2) Pour calculer des taux de mortalité standardisés, on utilise une unique population type avec une structure par âge fixée. On applique les taux par âge réellement observés aux effectifs de la population type du même âge. On obtient alors des décès à chaque âge que l’on somme. On divise ensuite cette somme par l’effectif total de la population type pour obtenir les taux de mortalité standardisés. On neutralise ainsi les variations du niveau de la mortalité dues à l’accroissement ou au vieillissement d’une population. On peut également de cette manière comparer le niveau de la mortalité de populations distinctes ayant des structures par âge très différentes (p. ex.: hommes-femmes, cantons). Les taux de mortalité standardisés calculés pour cette analyse se basent sur la population standard européenne proposée par Eurostat en 2013 (Revision of the European Standard Population (KS-RA-13-028), Eurostat, 2013).

3) Pour déterminer l’ampleur des variations de la mortalité en 2020, 2021 et 2022, il est nécessaire de considérer une période de référence. La période 2015–2019 a été choisie pour deux raisons: d’une part elle n’est pas trop éloignée ou trop longue et les taux de mortalité des autres causes de décès que la COVID-19 ne sont ainsi pas très différentes de ceux de 2020–2022; d’autre part le nombre mensuel de décès et les taux de mortalité correspondants ont fluctué – à quelques exceptions près – d’une manière régulière au cours de ces cinq années.

Évolution des décès au Tessin pendant
les années de la pandémie de COVID-19

Dans la présente analyse, nous étudions l’évolution des décès dans le canton du Tessin pendant la période de la pandémie de COVID-19 sur la base des données définitives actuellement disponibles, à savoir celles des années 2020 à 2022. Comme nous le verrons plus loin, le Tessin a non seulement été l’un des premiers cantons à être confrontés à la pandémie, mais également l’un des plus touchés en termes de décès. Cette situation a été favorisée notamment par la structure par âge, le canton au sud des Alpes comptant un nombre particulièrement élevé de personnes âgées. L’impact de l’infection au coronavirus peut aujourd’hui être interprété sur la base non seulement du nombre de morts, mais encore des causes de décès.

Les données montrent que 4067 personnes sont décédées au Tessin en 2020, année d’apparition de la pandémie de SRAS-CoV-2, avec une surmortalité de 878 décès par rapport à la moyenne des cinq années précédentes (3180 pour la période allant de 2015 à 2019).

Ces chiffres ne fournissent cependant pas d’indications précises concernant tous les effets que la pandémie a eus sur le nombre de décès. Les répercussions sur la mortalité peuvent de fait se manifester de différentes manières. D’abord, il y a l’effet direct de la maladie; une personne contracte le virus, tombe malade et meurt. Il peut ensuite s’agir d’un effet complémentaire; une personne souffre d’autres maladies et son état s’aggrave en raison de l’infection au COVID-19. Enfin, il y a les effets indirects, liés notamment aux comportements durant et après les premières vagues de la pandémie. Ces derniers ne sont pas dus directement à l’infection, mais peuvent conduire à une détérioration de l’état de santé, jusqu’à la mort (p. ex. activité physique réduite, dépression ou report de visites médicales). Il n’est pas facile de comprendre comment la pandémie a influé sur la mortalité. C’est uniquement grâce aux informations sur les causes de décès disponibles pour 2020 et 2021 qu’il est possible de faire un peu la lumière sur la manière dont le COVID-19 a affecté la population et sur l’ampleur de ces effets. Ces données publiées le 29 août 2022 montrent par exemple qu’en 2020, 790 décès ont été attribués Statistique des causes de décès et des mortinaissances (eCOD), Office fédéral de la statistique, Neuchâtel au COVID-19 comme cause principale, avec ou sans comorbidités, soit 19,4% du nombre total, ce qui en fait la troisième cause de décès après les maladies cardio-vasculaires et le cancer.

En 2021, le nombre de décès (3118) est revenu aux valeurs d’avant la pandémie (3180 en moyenne pour la période allant de 2015 à 2019), le COVID-19 demeurant néanmoins la troisième cause de décès3 (8,8% des décès observés). En 2022, il y a eu 3532 décès, soit légèrement plus que la moyenne des années 2015 à 2019; les données sur les causes de décès correspondantes n’étant pas encore disponibles, il est difficile d’interpréter cette augmentation.

Pour comprendre la situation au Tessin, il est important de commencer par décrire brièvement les caractéristiques démographiques du canton, vu qu’elles ont de toute évidence joué un rôle significatif durant la phase la plus aiguë de la pandémie de SRAS-CoV-2.

Données démographiques et situation avant la pandémie

Au cours des quarante dernières années, la population du Tessin a augmenté de 83 433 personnes, dont 41 346 ont 65 ans ou plus (49,6%). Ce vieillissement marqué de la population a fait du Tessin le canton où la proportion de personnes de plus de 65 ans est la plus élevée de Suisse (23,4%, contre 19,0% au niveau national en 2021), un aspect spécialement important pour comprendre la dynamique, passée et présente, en matière de décès (cf. graphique G6).

Le nombre de décès a lui aussi constamment augmenté au cours de ces quatre décennies: après quelques années de relative stabilité, il est passé de 2457 en 1985 à 3238 en 2019 (+781 ou +31,8%), avec une accélération à partir de 2008. En effet, de 2700 décès en moyenne annuelle jusque-là, on est passé à 3055 pour les années 2009 à 2019.

Ainsi que nous l’avons mentionné plus haut, les facteurs pouvant expliquer cette augmentation sont la croissance démographique au Tessin, en particulier la progression du nombre de personnes âgées. Les données concernant les mouvements naturels confirment que durant la période considérée, les décès ont augmenté de 10% pour les 65 ans ou plus, alors qu’ils ont diminué de 11,9% chez les personnes de moins de 65 ans.


La surmortalité en 2020

Pour analyser la situation créée par la pandémie de SRAS-CoV-2, nous commençons par nous intéresser aux données annuelles afin de présenter la situation globale, puis nous passons aux données hebdomadaires pour affiner les observations concernant ces trois dernières années.

Comme nous l’avions indiqué en introduction, l’année 2020 a vu une surmortalité Il y a surmortalité ou sous-mortalité lorsque la valeur se situe en dehors de la fourchette des valeurs estimées pour les données attendues. de 871 personnes, qui a frappé presque exclusivement le segment âgé de la population. Le taux brut de mortalité est passé de 9,2 décès par mille habitants en 2019 à 11,6 en 2020; cet accroissement a toutefois été plus marqué pour les 65 ans ou plus, faisant un bond de 35,5 à 44,5 décès pour 1000 personnes de ce groupe d’âge. Une analyse selon le sexe révèle un léger excès des décès chez les hommes (51,2%), mais qui ne s’écarte guère de la tendance observée au cours des cinq années précédentes (52,6%).

L’examen détaillé des données montre que, pendant les premières semaines de 2020, le nombre de décès a été légèrement inférieur à la moyenne des cinq années précédentes, mais qu’il a augmenté sensiblement à partir de la huitième semaine de l’année. Le pic de la première vague a été atteint au cours de la quatorzième semaine (164 décès), alors que durant l’été les chiffres ont correspondu aux valeurs attendues. Le pic de la seconde vague en 2020 a été atteint durant la semaine 52, avec 138 décès. Bien que ce chiffre soit inférieur à celui du premier pic, le nombre de décès a été plus important, car cette vague a duré plus longtemps que la première.

La surmortalité enregistrée en 2020 a touché spécialement la population âgée du canton. Il y a ainsi eu 16 semaines en 2020 au cours desquelles une surmortalité des 65 ans ou plus a été enregistrée (cf. graphique G7), avec un total de 824 décès en sus du chiffre attendu, alors que pour les personnes de moins de 65 ans, il y a eu six semaines avec surmortalité, pour un total de 47 décès en sus des valeurs escomptées.


Surmortalité en 2021 et en 2022

Si l’on poursuit l’analyse des données hebdomadaires, l’année 2021 a commencé durant la phase la plus aiguë de la deuxième vague (le pic se situant au tournant de l’année), de sorte que la surmortalité a marqué les trois premières semaines de 2021. Il y a eu ensuite plusieurs semaines durant lesquelles le nombre de décès est resté élevé, bien qu’en constante diminution. Le reste de l’année en revanche n’a plus connu d’épisodes de surmortalité. Dès la première semaine de 2022, on a enregistré une surmortalité, qui sera réitérée huit fois dans le courant de l’année, tant pendant la période estivale qu’en automne et en hiver. La situation dessinée par les données indique une surmortalité moindre due au COVID-19, mais pas à une diffusion plus faible du virus. Les données sur le nombre d’hospitalisations publiées par le Service du médecin cantonal Les données peuvent être consultées sur le site du Service du médecin cantonal (https://www4.ti.ch/dss/dsp/covid19/popolazione/situazione-epidemiologica). révèlent plusieurs périodes où les hôpitaux ont été fortement sollicités, mais où l’évolution de la maladie n’a pas conduit au décès des patients comme cela avait été le cas en 2020. La baisse des décès coïncide avec le début de la campagne de vaccination, qui a d’abord ciblé la population âgée au début de 2021, pour inclure au fur et à mesure tous les groupes d’âge au cours des deux années suivantes.

En 2021, on a enregistré un total de 92 décès excédentaires pour les semaines de surmortalité, ce chiffre atteignant 242 en 2022. Ces deux chiffres sont nettement inférieurs à ceux qui avaient été observés en 2020, les raisons de ces situations pouvant toutefois être dues à des facteurs différents. Les données sur les causes de décès en 2021 indiquent qu’il y a eu 275 décès attribuables au COVID-19 (avec ou sans comorbidités), alors que les semaines de surmortalité ont totalisé 92 décès de plus que le chiffre attendu sur la base des données d’avant la pandémie. Il y a plusieurs explications possibles pour cet écart entre les données observées et les chiffres attendus. L’une serait la diminution de la population la plus fragile et la plus exposée à une évolution défavorable de la maladie, parce que ces personnes sont déjà décédées précédemment, c’est-à-dire en 2020 (personnes qui seraient probablement décédées au cours des années suivantes). L’autre serait l’impact plus faible qu’ont eu les épidémies de grippe en 2021, grâce aux mesures prises pour maîtriser la pandémie, par exemple le port de masques, la désinfection des mains et des surfaces ou la distanciation sociale. Cet aspect a probablement amené à surestimer le nombre de décès attendus pour cette année.

Quant à l’évolution en 2022, son interprétation requiert la plus grande prudence, vu que les données sur les causes de décès ne sont pas encore disponibles. Ainsi, il existe maintes pistes pour expliquer la légère augmentation du nombre de décès. On peut songer par exemple aux quelques semaines de canicule, qui peuvent avoir entraîné un nombre de décès supérieur à ce qui était attendu ou à la présence d’une grippe qui avait déjà atteint son pic durant les derniers mois de l’année, alors que cette phase aiguë survient habituellement à la fin du mois de janvier de l’année suivante, élément susceptible d’avoir influé sur le nombre de décès observés. Enfin, il ne faut pas oublier que le nombre de décès au Tessin a constamment augmenté au cours des quatre dernières décennies et que cette tendance se poursuivra au cours des années à venir.

Comparaison avec le reste de la Suisse

Il n’est pas possible de comparer directement le nombre de décès au Tessin et dans le reste de la Suisse, en raison de la différence de taille des populations dans lesquelles ils surviennent. Le recours aux taux de mortalité standardisés constitue un premier moyen pour procéder à une telle comparaison. Ces taux permettent de confronter des populations ayant des structures démographiques différentes, en l’occurrence celle du Tessin avec celle du reste de la Suisse, en perdant toutefois la relation à la situation effective, raison pour laquelle ces taux diffèrent de ceux qui figurent au début du présent article.

Durant la période allant de 2015 à 2019, le taux de mortalité standardisé observé au Tessin était inférieur à celui du reste de la Suisse (cf. graphique G8), alors qu’en 2020, sous l’effet de la pandémie de COVID-19, le nombre de décès pour mille habitants a dépassé la moyenne nationale. En 2021, la mortalité est ensuite retombée en dessous des chiffres pour l’ensemble du pays.

Ainsi que nous l’avons relevé plus haut, l’utilisation des taux standardisés neutralise l’effet de la structure par âge et souligne une fois encore à quel point la situation démographique au Tessin influe sur la mortalité. En prenant le taux de mortalité aux différents âges dans une population plus jeune, à l’instar de celle de la Suisse, et en l’appliquant au Tessin, on aboutirait à un nombre global de décès inférieur à celui qui est enregistré.


Le P-score est un autre indicateur permettant de faire des comparaisons entre territoires sans disposer de données sur les populations respectives. Il mesure le pourcentage de variation entre données observées et données estimées, de sorte que sa lecture en devient intuitive (p. ex. plus le pourcentage de variation est élevé, plus l’augmentation des décès est importante) et que les différences de structure démographique entre les réalités analysées s’en trouvent «neutralisées». Qui plus est, cet indicateur peut être dérivé de l’évolution hebdomadaire.

Dans le graphique G9, on distingue clairement les deux vagues de la pandémie de COVID-19 en 2020. Ces vagues ont touché plus fortement le Tessin que la Suisse prise globalement (le pourcentage de variation affiche des pics plus élevés), mais pendant un nombre de semaines plus petit (23 semaines au Tessin contre 27 au niveau national).

En 2021 par contre, le P-score n’a pas connu de pics particulièrement prononcés, en comparaison de ceux de 2020. Il a été négatif plus longtemps au Tessin qu’au niveau national (respectivement 33 et 24 semaines), signifiant une incidence des décès plus élevée au nord des Alpes dans ces semaines. La situation a changé à nouveau en 2022. Le nombre de semaines présentant un P-score négatif a considérablement baissé (9 au Tessin, alors qu’il n’y en a pas eu au niveau national) et les valeurs ont également augmenté de façon sensible, surtout au Tessin, ce qui indique un accroissement du nombre de décès, tant au Tessin que dans l’ensemble de la Suisse.


Conclusion

La présente analyse a porté sur l’évolution des décès en 2020 et les années qui ont suivi, à savoir les années marquées par la propagation de l’infection au COVID-19. Les chiffres de la surmortalité en 2020 soulignent à quel point la situation est sortie de l’ordinaire par rapport à ce qui avait été observé jusque-là. Les chiffres sur les causes de décès montrent que le COVID-19 se trouve parmi les causes de décès les plus fréquentes (cause principale, avec ou sans comorbidités), du moins pendant les années considérées, même si les pourcentages sont plus bas que ceux des cancers et des maladies du système circulatoire Ces deux causes représentent ensemble plus de la moitié des causes de décès. . Cette affirmation vaut non seulement pour 2020, mais également pour les années suivantes, l’infection au coronavirus devenant la troisième (2021) et la quatrième (2022 Les données sont disponibles uniquement jusqu’à la fin du mois de juin 2022. ) cause de décès en Suisse.

Au nombre des différents facteurs pouvant entrer en ligne de compte pour expliquer la surmortalité observée au Tessin, il y a sa structure démographique particulière. Le canton présente la plus forte proportion de personnes de 65 ans ou plus dans le pays, ce qui en a fait un territoire spécialement exposé pendant la pandémie.

Matteo Borioli, USTAT

Définitions

Taux de mortalité standardisé

Lors de l’évaluation de la mortalité, il faut tenir compte du fait que la structure par âge de la population peut influer fortement sur le taux brut de mortalité. C’est pourquoi l’on calcule le taux de mortalité standardisé (standardisation directe), qui permet de comparer des populations différentes dans le temps et dans l’espace. Cet indicateur construit de façon artificielle ne reflète donc pas exactement la valeur réelle, mais le taux de mortalité qui aurait été enregistré si la population examinée avait une distribution par âge équivalente à celle de la population de référence, en l’occurrence la population suisse en 2021. La formule se présente comme suit: TS = ∑(Popâge x × TMort âge x) / ∑Popâge x

TS: taux de mortalité standardisé

Popâge x: population de référence de l’âge x

TMort âge x: taux brut de mortalité spécifique de l’âge x

P-score:

Le P-Score permet de comparer le nombre de décès inattendus dans différentes populations, en pourcentages et d’une manière simple et intuitive. Il s’agit du rapport entre les décès inattendus (obtenus en soustrayant les décès attendus des décès observés) et les décès attendus. Le résultat est exprimé en pourcentage. P-score = ((décès observés − décès attendus) ⁄ décès attendus) × 100

Bibliographie

Borioli M. (2021) Analisi della sovramortalità in Ticino nel 2020. Bellinzone. (Extra dati, A. XXI, no 03, avril 2021)

Blohm C., Junker C., Weitkunat r., von Muralt K. (2022) Statistiques publiques sur les décès, leurs causes, la surmortalité et les maladies à déclaration obligatoire. Neuchâtel.

Quid des naissances, des mariages
et des divorces en Suisse pendant
les années pandémiques ?

La pandémie de COVID-19 et les mesures nationales mises en place pour parer la propagation de la maladie ont fortement affecté la société. L'objectif de cet article est d’observer les naissances, les mariages et les divorces de 2018 à 2022 et d'étudier leur évolution avant, pendant et après les années pandémiques.

Dans le courant du XXe siècle, l’intensité des événements démographiques observés s’est modifiée en Suisse. Alors que les mariages surviennent de moins en moins fréquemment au sein de la population, le nombre de naissances a, dans un premier temps, drastiquement reculé pour se stabiliser autour de 10 naissances pour 1000 habitants (cf. tableau T1). Quant aux divorces, ils ont connu un essor particulier de la fin des années 1960 jusqu’en 2010, où le record de 22 081 jugements rendus a été atteint. De nombreux changements législatifs en matière de divorces expliquent leur évolution dès la fin du siècle, notamment les pics qu’on observe entre 1999 et 2022. Globalement, depuis 2010, on peut également dire que leur nombre est en baisse. Dans un tel contexte, qu’observe-t-on plus spécifiquement entre 2018 et 2022? Comme il est question d’une période précédant l’entrée en vigueur du mariage pour toutes et tous, seuls les cas de mariages entre personnes de sexe différent sont pris en compte dans cet article. Comment se profilait l’évolution des naissances, des mariages et des divorces dans la période prépandémique (2018/2019)? Peut-on voir l’empreinte de la pandémie sur l’évolution de ces événements démographiques en 2020 et 2021? Qu’observe-t-on en 2022? L’article tente de répondre à ces questions.

Indicateurs du mouvement naturel
de la population, de 1900 à 2022T1

Pour 1000 habitants 1900 2010 2018 2019 2020 2021 20221
Naissances vivantes 28,6 10,3 10,3 10,0 9,9 10,3 9,3
Mariages 7,7 5,5 4,8 4,5 4,1 4,2 4,6
Divorces 0,3 2,8 1,9 2,0 1,9 2,0 1,8

12022: données provisoires

Sources: OFS – BEVNAT, ESPOP, STATPOP

© OFS 2023

Naissances

Dans la période prépandémique, l’évolution des naissances en Suisse s’amorçait à la baisse, de 87 851 en 2018 et 86 172 en 2019, pour s’élever à 85 914 en 2020. Entre 2018 et 2019, leur nombre a donc reculé de 1679 naissances ou de 1,9%. Entre 2019 et 2020, la baisse a été minime, soit –258 naissances ou –0,3%. Dans les faits et compte tenu de la durée d’une grossesse, les effets de la situation générale en Suisse en 2020 n’ont pu s’observer que 9 mois après le début de la pandémie. En mars 2020, l'état d'urgence était décrété et le pays basculait dans son premier confinement. La situation sanitaire et les restrictions introduites alors Les mesures nationales visaient à: prévenir ou endiguer la propagation du coronavirus (COVID-19) en Suisse; réduire la fréquence des transmissions, interrompre les chaînes de transmission et éviter ou endiguer des foyers locaux; protéger les personnes vulnérables; assurer la capacité de la Suisse à endiguer l’épidémie, en particulier à maintenir les conditions permettant un approvisionnement suffisant de la population en soins et en produits thérapeutiques. , ont-elles boosté les naissances ou les ont-elles plutôt freinées? On aurait pu s’attendre à ce qui a souvent été observé lors des crises économiques. Le risque de chômage et l’incertitude quant à l’avenir conduisent une partie des couples souhaitant avoir un enfant à reporter leur projet. Or, contrairement à d’autres pays, le nombre de naissances a augmenté en Suisse, 9 mois après le début de la pandémie. En effet, 6875 enfants sont nés en décembre 2020 (cf. graphique G10). Pour la plupart d’entre eux, la conception date du mois de mars 2020. Ces 6875 naissances sont légèrement plus nombreuses que celles enregistrées en décembre 2019 (6803), soit une progression de 1,5%. On constate les mêmes tendances pour les mois successifs: le nombre de naissances enregistré en janvier, février et mars 2021 – suite aux conceptions ayant eu lieu lors du premier confinement Le premier confinement a débuté en mars 2020 et a duré jusqu’en juin 2020. – est plus important que celui des mois respectifs de l’année précédente (respectivement +4,7% en janvier 2021, + 2,0% en février 2021 et +6,6% en mars 2021). De janvier à mars 2021, on relève par conséquent 934 naissances supplémentaires par rapport à la même période de 2020 (+4,5%). Les valeurs observées lors de ces mois en 2021 sont également supérieures à celles des périodes respectives en 2018 et 2019.


De même, les enfants nés entre juillet et octobre 2021 et conçus lors du second confinement Le deuxième confinement a débuté en octobre 2020 et s’est prolongé jusqu’en janvier 2021. ont été plus nombreux. Le nombre de naissances enregistré dans cette période est supérieur à celle qui est respective en 2020 (+1629 bébés, +5,5%). Il est à noter que les naissances survenues en septembre et octobre 2021 sont aussi plus nombreuses que celles des mois respectifs en 2018 et 2019.

Des analyses plus approfondies ont montré que les naissances de 2 e  enfant et de ceux des rangs successifs ont été plus nombreuses que celles de 1er enfant, entre janvier et mars 2021 ainsi qu’entre juillet et octobre 2021. La progression des naissances de 2e enfant et de ceux des rangs successifs par rapport aux périodes précitées est également plus marquée (respectivement +7,3% et +7,0% contre +1,4% et +3,9% pour les premiers-nés).

Différentes études conduites par l’Institut national d’études démographiques (INED) en France ou par Eurostat au Luxembourg ont montré que les couples se fixent généralement des conditions avant d’avoir un premier enfant comme, par exemple, avoir terminé ses études, disposer d’un logement indépendant, être en couple stable. En cas de crise, il y a une moindre propension à entrer en parentalité. L’arrivée du deuxième enfant est moins tributaire des conditions susmentionnées. Elle dépend davantage d’autres facteurs tels que l’espacement que l’on souhaite garder entre deux naissances. Dès lors, une situation de crise ne semble pas remettre en cause la réalisation des projets de fécondité des personnes ayant déjà un enfant.

Autre élément intéressant, les naissances ont bien plus progressé en Suisse alémanique qu’en Suisse romande, suite aux deux confinements, respectivement +5,6% et 2,7% par rapport aux mois de janvier à mars 2020 et respectivement +6,0% et +4,8% par rapport aux mois de juillet à octobre 2020. En Suisse italienne, la progression reste négative, c’est-à-dire que le nombre de naissances est moins important pour les périodes considérées en 2021 qu’en 2020.

Si l’année 2021 a été exceptionnelle en matière de natalité, 2022 se distingue par un recul des naissances de 8,1% (respectivement 89 644 et 82 371). Cette diminution se traduit par des naissances moins nombreuses de premiers enfants (–7,0%) et de deuxièmes enfants ou d’enfants de rangs ultérieurs (–9,1%). Au niveau mensuel, on observe que les valeurs sont inférieures à celles des années précédentes (2018–2020) et ce, aussi bien dans les mois riches que dans ceux pauvres en naissances.

Il est important de signaler que la Suisse n’est pas le seul pays à enregistrer une telle baisse. L’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et la France annoncent également une chute des naissances. En outre, avec le début de la guerre en Ukraine en 2022 et les problèmes économiques qu’elle a engendrés, on peut d’ores et déjà se demander quelles conséquences de tels événements auront sur les naissances dans les prochaines années.

Mariages

Comme pour les naissances, on constate un recul des mariages dans la période prépandémique, respectivement 40 716 en 2018 et 38 974 en 2019. L’année 2020 est caractérisée par une forte baisse: 35 160 unions ont été célébrées en 2020, soit 9,8% de moins qu’en 2019. Sachant que les réunions familiales et les rassemblements de personnes étaient limités lors du premier confinement, on pouvait s’attendre à une baisse marquée à cette période. L’analyse des données mensuelles montre que le nombre de mariages a effectivement chuté entre mars et juin 2020 (cf. graphique G11): on n’en dénombrait que 9685, alors qu’on en avait enregistré en moyenne 14 824 lors de la période respective en 2018/2019. Le nombre de mariages a atteint la valeur la plus basse en avril 2020, avec 1579 unions, soit 47% de moins qu’avril 2019. Cette valeur est d’ailleurs la plus faible observée pour ce mois depuis 1970.

Alors que le mois de mai ouvre généralement la saison des mariages, celui de mai 2020, compte tenu des mesures imposées lors du premier confinement, est 42% inférieur à mai 2019 (respectivement 2716 et 4703). Les mariages ont ensuite augmenté jusqu’à atteindre leur niveau le plus haut pendant les mois d’été, dont un pic en août (4613). Ils ont ensuite à nouveau diminué, comme c’est habituellement le cas en fin d’année. Le mois d’octobre 2020 se distingue toutefois des autres années. En effet, 3744 unions ont été conclues lors de ce mois, soit la valeur la plus élevée depuis 2011. Par rapport à octobre 2019, on observe une progression de 23% des mariages. Le nombre d’unions célébrées en novembre et décembre 2020 est, quant à lui, du même ordre de grandeur que celles conclues à la même période en 2018 et en 2019.

Le recul des mariages, et notamment des premiers mariages en 2020, a influencé l’indicateur de primo-nuptialité. Pour la première fois depuis que cet indicateur est calculé, la valeur pour les hommes et celle pour les femmes est passée sous la barre des 50%. Autrement dit : aux conditions de nuptialité enregistrées en 2020, seuls 45,5% des hommes et 49,9% des femmes parmi les célibataires de moins de 50 ans pouvaient espérer se marier un jour.

La tendance s’est inversée en 2021, année qui affiche 36 410 mariages au compteur, soit 3,6% de plus qu’en 2020 – mais 6,6% de moins par rapport à 2019. Cette augmentation correspond à un retour à la normale. La courbe mensuelle des unions montre une saisonnalité des mariages proche des années précédant la pandémie. Leur nombre a commencé à augmenter dès février 2021, a atteint son niveau le plus haut entre mai et septembre, puis a diminué à nouveau. Le creux enregistré entre mars et juin 2020 est comblé: à la même période en 2021, on retrouve une valeur proche (13 045) des années 2018 et 2019, quoique légèrement inférieure (en moyenne 14 824 pour les années prépandémiques).


En 2022, 37 929 couples de sexe différent se sont unis légitimement, soit 1519 ou 4,2% de plus qu’en 2021. La courbe mensuelle des mariages montre une évolution normale, avec des pics en février (+884 unions ou +47,9% par rapport à février 2021), d’avril à juin (+877 ou +8,1%) et en septembre (+326 ou +7,8%). L’essor des mariages en février 2022 est en grande partie dû à la date palindrome du 22.02.2022: près d’un quart des couples qui ont célébré leur mariage en février l’ont fait ce jour-là.

Malgré les progressions des mariages observées en 2021 et 2022, leur nombre reste encore inférieur à ceux enregistrés avant la pandémie. L’évolution de la nuptialité continue donc à s’inscrire dans une tendance à la baisse.

Depuis le 1er juillet 2022, date de l’entrée en vigueur du mariage pour toutes et tous, s’ajoutent aux 37 929 mariages entre personnes de sexe différent 778 mariages entre personnes de même sexe et 2231 conversions de partenariats enregistrés en mariages. En tout, la Suisse enregistre donc 40 938 mariages en 2022. Vous trouverez plus d’informations à ce sujet sur notre Portail statistique:

www.statistique.ch → Trouver des statistiques → 01 – Population → Mariages, partenariats et divorces → Mariages

Divorces

Dans la période prépandémique, l’évolution des divorces se dessinait à la hausse: les juges en ont prononcé 16 542 en 2018, puis 16 885 en 2019. En 2020, par contre, le nombre de jugements rendus s’élevait à 16 210, soit 4,0% de moins qu’en 2019. L’analyse mensuelle montre que le nombre de divorces dans le premier semestre de 2020 a été exceptionnellement bas (cf. graphique G12). Seuls 4790 cas de dissolutions d’unions ont été jugés contre, en moyenne, 5671 en 2018/2019. Leur nombre a donc sensiblement diminué durant cette période en 2020 (–17,1% par rapport à 2019). Le deuxième semestre affiche une augmentation des dissolutions d’unions (+3,5% par rapport au même semestre en 2019), avec un pic en septembre, soit 1752 cas ou un cinquième de tous les divorces enregistrés lors de ce semestre. Cette augmentation au deuxième semestre ne suffit pas à compenser le recul des divorces enregistré lors du premier semestre.

La saisonnalité des divorces est caractérisée par les féries judiciaires en Suisse (art. 145 du code de procédure civile CPC). En effet, le nombre de dissolutions de mariages diminue régulièrement autour de Pâques, en juillet et en décembre, chaque année, périodes où ces féries ont lieu. Lors du premier confinement, le Conseil fédéral a décidé d’une durée plus longue des féries de Pâques, à savoir du 21 mars au 19 avril compris.

De manière générale, durant les féries, les procédures simples et rapides, telles que les requêtes communes par exemple, peuvent être introduites ou se poursuivre (Art. 145 al. 2 CPC, RS 272). De même, les cas incluant des mesures provisionnelles (art. 276 CPC) peuvent également être traités lors d’une telle période. Malheureusement, l’OFS ne disposons plus des motifs légaux du divorce: une étude statistique selon les différents types de divorces n’est plus possible pour la période sous observation.

Un aspect central de l’interprétation de l’évolution de la divortialité «consiste à déterminer dans quelle mesure la hausse [ou la baisse] du nombre de divorces est due à des changements structurels (le nombre de mariages par année ou le nombre de mariages existants et leur durée) ou à des changements comportementaux (une plus grande propension à divorcer)» Heiniger, 2009 . Il faut de surcroit tenir compte de facteurs exogènes qui peuvent avoir une influence sur le nombre d’actions en divorce engagées et de jugements de divorce prononcés. De fait, les mesures des effets structurels et comportementaux en 2020 montrent que la pandémie a eu pour effet de réduire drastiquement la propension de chacun à vouloir divorcer (effet comportemental négatif). L’effet structurel était de toute manière moindre.

En 2021, la tendance s’inverse et le nombre de divorces augmente à nouveau: 17 159 jugements de divorce ont été prononcés, soit une progression de 5,9% par rapport à 2020. Ils augmentent fortement lors du premier semestre 2021 (+18,7%): leur nombre s’élevait à 9246, dont 6149 entre mars et juin, soit 28,4% de plus qu’à la même période en 2020. Le deuxième semestre, quant à lui, affiche un nombre de divorces moins important (–6,0% par rapport à 2020), malgré les pics observés en septembre et novembre 2021. Étant donné que l’effet comportemental est plus marqué en 2021, on peut se poser la question si cette évolution n’est pas le fait d’un rattrapage, notamment lors du premier semestre 2021.


En 2022, 16 201 divorces ont été jugés, soit une diminution de 5,6% par rapport à l’année précédente. Dans le premier semestre 2022, on observe de fortes fluctuations entre mars et mai. Après un mois de mars affichant de très nombreux cas (1570), le nombre de dissolutions enregistré en avril a fortement baissé et s’élevait à 885 cas, soit une valeur plus basse que celle enregistrée en avril 2020. Ce recul est ensuite compensé par un nombre plus important de divorces en mai 2022. Le deuxième semestre, quant à lui, affiche une évolution similaire à celle observée en 2021. Les indicateurs mesurant, notamment, les effets comportementaux montrent à nouveau que la propension de chacun à vouloir divorcer a baissé de manière significative en 2022 Au moment de la rédaction de l’article, les indicateurs annuels de mesure des différents effets pour 2022 étaient encore provisoires. .

Conclusion

Les naissances, les mariages et, dans une moindre mesure, les divorces sont généralement sensibles aux périodes de crise. Cet article décrit quel effet la pandémie a eu sur ces événements en 2020, effet résultant des différentes restrictions mises en place.

Lors du premier confinement, on observe une diminution notable du nombre de mariages et de divorces. L’effet est moins marqué lors du deuxième confinement. Mais les restrictions ont évolué en cours de pandémie selon les dispositions citées dans l’ordonnance COVID-19. L’impact de la pandémie sur l’évolution des naissances a été, quant à lui, inattendu: on a d’abord observé une première vague de naissances entre décembre 2020 et mars 2021, suivie d’une deuxième vague entre juillet et octobre 2021. Ces deux vagues correspondent aux périodes de confinement en 2020. Si la vague de naissances liée au deuxième confinement a été relevée dans différents pays, comme en France, en Italie et en Espagne, la première vague est, quant à elle, spécifique à la Suisse.

Après la crise sanitaire, l’Europe est, depuis début 2022, face à une nouvelle crise. Le conflit géopolitique en Ukraine, ainsi que les conséquences économiques qui en découlent, risquent également d'avoir des effets sur l'évolution ainsi que sur le mouvement naturel de la population en Suisse. Il faudra étudier la situation avec attention les prochains mois.

Fabienne Rausa, OFS

Bibliographie

Heiniger, M. (2009). Effets comportementaux et structurels dans l’évolution des divorces. In Newsletter Démos 2/2009, p. 3–4. Neuchâtel.

Höpflinger, F. (2020). Bevölkerungswandel Schweiz. Soziodemografische und familiendemografische Entwicklungen im Langzeitvergleich. Stallikon.

Informations complémentaires

En Allemagne, l’Office des statistiques (Destatis.de) suit l’évolution des impacts économiques et sociaux, liés à la pandémie de COVID-19, dans différents pays de l’Union Européenne (UE). Vous trouverez une sélection d'indicateurs sous le lien suivant:

https://www.destatis.de/Europa/DE/Thema/COVID-19/COVID-19-Artikel.html