Le transport de marchandises en Suisse en 2020

Évolution du transport de marchandises total

Baisse des prestations de transport de 2% par rapport à 2019

En 2020, les prestations de transport sur la route s’élevaient à 17 milliards de tonnes-kilomètres Une tonne-kilomètre correspond au transport d’une tonne sur un kilomètre. . Les prestations de transport sur rail se chiffraient quant à elles à 9,8 milliards de tonnes-kilomè­tres En tonnes-kilomètres nettes (sans le poids des conteneurs et des véhicules routiers de transport de marchandises en transport combiné). . Par rapport à l’année précédente, le total des prestations de transport a donc diminué de 1,6% en 2020, pour atteindre 26,8 milliards de tonnes-kilomètres. Le transport de marchandises a baissé moins fortement sur la route (–0,9%) que sur le rail (–2,7%).

La part du transport de marchandises par rail dans la prestation de transport totale – la répartition dite modale – représentait 37% en 2020. Après un net recul durant les années 1980 et 1990, le rail a depuis le début du millénaire pu maintenir sa part dans une fourchette allant de 36% à 42%, et ce en dépit du relèvement du poids autorisé pour les véhicules routiers de transport de marchandises de 28 à 34 tonnes en 2001, puis à 40 tonnes en 2005. Pour comparaison, en 2019 la part du rail se montait à 18% en moyenne pour les 28 pays membres de l’UE.

Les deux modes de transport sont complémentaires: alors que la distribution des marchandises à l’échelle régionale ne peut se faire le plus souvent que par la route, le rail présente des avantages avant tout sur les longues distances. On le voit dans le fait qu’en 2020, les véhicules lourds de transport de marchandises ont fourni 66% des prestations de transport dans le trafic intérieur et seulement 34% dans le trafic international (importations, exportations, transit), alors que le trafic international dominait dans les transports ferroviaires de marchandises avec une part de 76%. Les distances moyennes sont aussi nettement plus importantes dans le transport de marchandises sur rail que sur route: en 2020, les marchandises transportées sur le réseau ferroviaire suisse l’ont été sur une distance moyenne de 170 kilomètres, alors que la valeur correspondante pour la route ­atteignait 45 kilomètres.  

Prestations du transport de marchandises
sur route et sur railT1

Prestation de transport,
en milliards de tonnes-kilomètres
Variation
2019 2020 2019–2020
Total 27,22 26,78 –1,6%
Route 17,15 16,99 –0,9%
Rail 10,07 9,79 –2,7%

Données de base route: véhicules lourds indigènes et étrangers de transport de marchandises; véhicules légers indigènes de transport de marchandises
Rail: valeurs en tonnes-kilomètres nettes (sans le poids des conteneurs et des véhicules routiers de transport de marchandises en transport combiné)

Sources: OFS – Statistique du transport de marchandises (STM), Statistique des transports publics (TP)

© OFS 2021

La politique suisse des transports a entre autres pour objectif de transférer de la route au rail le trafic de marchandises à travers les Alpes. En 2020, 72% des marchandises transportées à travers les Alpes suisses l’ont été par le rail et 28% par la route. Dans l’ouest de l’Autriche, où des volumes importants de marchandises transitent aussi à travers les Alpes, les parts correspondantes étaient de 25% pour le rail et de 75% pour la route (données 2019). Cols de Resia et Brenner. Pour l’ensemble du transport de marchandises transalpin en Autriche, la part du rail se situait à 27% (route: 73%).   

Hormis la route et le rail, la navigation sur le Rhin et les oléoducs prennent une part non négligeable aux importations et exportations: en 2020, 5,1 millions de tonnes de marchandises ont franchi la frontière suisse sur des bateaux naviguant sur le Rhin. Soit 15% de moins qu’en 2019 (6,1 millions de tonnes). Quelque 3,4 millions de tonnes ont été acheminées en Suisse ou depuis la Suisse via les oléoducs (2019: 3,8). Pour comparaison, 49,2 millions de tonnes de marchandises ont été importées ou exportées à l’aide de véhicules routiers lourds (2019: 52,2) et 11,8 millions de tonnes l’ont été par voie ferroviaire (2019: 13,3). Le fret aérien représentait des volumes comparativement modestes (0,3 million de tonnes).

Parc de véhicules

Diminution du nombre de véhicules lourds de transport de marchandises, augmentation du nombre de véhicules légers

En 2020, 6,2 millions de véhicules routiers à moteur étaient immatriculés en Suisse, dont un peu moins de 4,7 millions de voitures de tourisme (jour de référence: 30 septembre). Les véhicules qui sont mis en circulation avant tout pour le transport de marchandises sont nettement moins nombreux: 452 186 étaient enregistrés en 2020, dont 398 642 voitures de livraison Véhicule à moteur pour le transport de marchandises avec une cabine intégrée dans la superstructure; poids total autorisé: 3,5 tonnes au maximum. , 41 639 camions et 11 905 tracteurs à sellette. Le parc de voitures de livraison s’est accru de 75% entre 2000 et 2020, alors que celui des camions a reculé de 3%. Le parc de tracteurs à sellette a augmenté de 45% sur la même période, mais l’évolution a été très variable selon le poids des véhicules: alors que le parc de tracteurs à sellette légers (poids total maximum de 3,5 tonnes) a diminué de 37%, pour atteindre un nombre de 1298, celui des tracteurs à sellette lourds (plus de 3,5 tonnes) a progressé de 73% et s’élève désormais à 10 607.  

Si l’on considère le nombre total de véhicules lourds de transport de marchandises (camions et tracteurs à sellette de plus de 3,5 tonnes), on observe pour 2020 une baisse de 1% par rapport à l’année précédente, diminution qui est probablement due à la pandémie de COVID-19. Une diminution du parc de ce type de véhicules a été observée pour la dernière fois en 2013 (–0,5%). En 2020, le nombre de véhicules légers de transport de marchandises a continué d’augmenter (+3,1%).

Un véhicule lourd de transport de marchandises sur quatre est un Mercedes-Benz

Parmi les véhicules lourds de transport de marchandises immatriculés en Suisse, la marque Mercedes-Benz est la plus fréquente. En 2020, 13 323 véhicules de cette marque étaient en circulation, soit un quart des véhicules lourds de transport de marchandises. La marque Scania suivait en deuxième position (9322) et la marque MAN en troisième (7822). Le parc de camions Saurer n’a cessé de diminuer en Suisse ces dernières années, après que la société Adolph Saurer AG, sise à Arbon, en Thurgovie, a arrêté la fabrication, au début des années 80. 529 exemplaires étaient encore immatriculés en Suisse en 2020.

Pour ce qui est des véhicules légers de transport de marchandises, en 2020 la marque la plus répandue était Volkswagen (VW) (72 428 véhicules), suivie de Renault (44 748), Ford (42 186) et Mercedes-Benz (40 670). Ces dix dernières années, Volkswagen, Renault, Ford et Opel ont enregistré des augmentations particulièrement fortes, avec une croissance annuelle moyenne de leur parc de plus de 5%. Mais chez Renault et Opel, cette hausse s’est un peu ralentie récemment.

    

Prestations kilométriques

Les prestations kilométriques correspondent aux trajets parcourus par les véhicules. Elles sont exprimées en véhicules-kilomètres. Elles permettent d’apprécier l’utilisation des infrastructures et l’impact des transports sur l’environnement.

Les véhicules routiers lourds de transport de marchandises (poids total supérieur à 3,5 tonnes) ont effectué au total 2,2 milliards de kilomètres sur les routes suisses en 2020. Sur ce total, 1,7 milliard de kilomètres (79%) étaient imputables à des véhicules indigènes et 0,5 milliard de kilomètres (21%) à des véhicules étrangers. S’y ajoutaient 4,8 milliards de kilomètres parcourus par des véhicules légers de transport de marchandises (poids total inférieur à 3,5 tonnes; surtout des voitures de livraison).

Moins d’émissions de polluants grâce au progrès ­technique

Les véhicules lourds de transport de marchandises sont répartis en classes d’émissions (classes Euro, de 1 à 6) en fonction de leurs émissions de substances polluantes, la classe Euro 6 étant celle qui impose les valeurs limites les plus sévères. Les véhicules de la classe Euro 6 ont été mis en circulation pour la première fois en 2011; la norme est juridiquement contraignante pour toutes les premières immatriculations depuis le 1er janvier 2014. Par suite des progrès techniques et du renouvellement continu du parc de véhicules, les véhicules en circulation sont de plus en plus «propres». Cette évolution est aussi favorisée par l’instrument politique de la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP), les taux de redevance étant plus faibles sur les véhicules peu polluants.   

La part des véhicules de la classe Euro 6 dans les prestations de circulation des poids lourds suisses atteignait 74% en 2020. Ainsi, sept ans après l’entrée en vigueur de la norme Euro 6 juridiquement obligatoire pour tous les nouveaux véhicules, près de trois quarts de tous les kilomètres parcourus par des poids lourds indigènes l’ont été par des véhicules de la classe d’émissions la plus moderne. Les véhicules de la classe Euro 5 ont atteint leur part la plus élevée en 2013; cette part a ensuite reculé au profit de celle des véhicules de la classe Euro 6 et se situait à 21% en 2020. La part des véhicules des classes Euro plus anciennes (1 à 4) dans les prestations de circulation est passée de 50% en 2010 à moins de 5% en 2020.

Pleins feux sur la pandémie de COVID-19

Au printemps 2020, l’Europe affrontait la première vague de pandémie de COVID-19, qui a entraîné des restrictions massives. En Suisse comme ailleurs, des mesures très strictes ont été appliquées à partir du 17 mars 2020: fermeture des commerces et des écoles, diminution temporaire de l’offre de transports publics et recommandation de télétravail. Avec ces mesures et toutes celles qui les complétaient, le Conseil fédéral voulait limiter les contacts entre les personnes, pour enrayer la propagation du virus. Après les assouplissements temporaires de l’été, à partir d’octobre 2020 les mesures ont été renforcées, suite à la ­deuxième vague.

Transport de marchandises sur la route: recul
des prestations kilométriques au 2e trimestre 2020

Afin de garantir l’approvisionnement de la population, non seulement le transport de marchandises sur la route n’a pas été restreint, mais certaines directives ont au contraire été temporairement suspendues pour l’acheminement des biens essentiels, par exemple l’interdiction de rouler la nuit et le dimanche. Cependant, les prestations de circulation des véhicules lourds de transport de marchandises ont baissé de 5,9% au 2e trimestre 2020 par rapport aux chiffres de la même période en 2019. Ce recul a été plus important pour les véhicules étrangers (–11,2%) que pour les camions et tracteurs à sellette immatriculés en Suisse (–4,5%). Entre avril et juin 2020, 549 millions de véhicules-kilomètres ont été parcourus par les poids lourds, soit le nombre de kilomètres le plus faible jamais enregistré depuis le 2e trimestre 2003. Durant les autres trimestres de l’année 2020, les prestations de circulation sont restées quasiment identiques à celles des années précédentes.

  

Recul du transport de marchandises sur rail

Par rapport à 2019, les prestations de transport de marchandises sur rail ont reculé de 2,7% en 2020, pour se chiffrer à 9,8 milliards de tonnes-kilomètres nettes. La prestation de transport a ainsi rejoint le niveau de l’année 2012. Cependant, la diminution enregistrée en 2020, année du coronavirus, n’est pas spécialement marquante si l’on fait une comparaison historique sur le long terme: depuis le début du XXe siècle, le transport de marchandises sur rail a déjà connu des reculs bien plus importants (voir l’encadré des pages 7 à 9).

Au premier trimestre 2020, cette baisse était de 4,6%; elle était de 14,9% au deuxième et de 3,3% au troisième (par rapport aux mêmes périodes de l’année précédente). Au dernier trimestre 2020 les prestations de transport sur rail ont augmenté de 2,9%, mais il faut noter que les chiffres étaient particulièrement bas au quatrième trimestre 2019. Un recul comparable à celui du deuxième trimestre de l’année 2020 de la pandémie a été observé pour la dernière fois au troisième trimestre 2017 (–11,9%). À l’époque, la Rheintalbahn (ligne de Mannheim à Bâle) avait dû être fermée pendant plusieurs semaines suite à une irruption d’eau dans le tunnel de Rastatt.

Stabilité du trafic combiné non accompagné,
effondrement de l’autoroute ferroviaire

Le transport combiné de marchandises sur rail non accompagné n’a quasiment pas souffert de la pandémie de COVID-19: en 2020, au total 1 244 000 conteneurs, caisses mobiles et semi-remorques ont été transportés sur rail, soit 32 000 unités de plus (+2,7%) qu’en 2019. Seul un recul de 7% a été enregistré au 2e trimestre. Ce ne fut pas la même chose pour l’autoroute ferroviaire: en 2020 le nombre de véhicules routiers chargés sur rail avait diminué de près de 32 000 unités, soit 37,8% de moins par rapport à l’année précédente (54 000 véhicules en 2020). Au 2e trimestre, cette baisse a même été jusqu’à atteindre 60,2%. On peut entre autres expliquer cet effondrement par le fait que le nombre de chauffeurs routiers par wagon était nettement limité pour éviter les risques d’infection. De ce fait, le nombre de camions par train était lui aussi limité.

Si l’on compte ensemble toutes les unités acheminées en transport combiné, accompagné ou non, on obtient pour 2020 un total de 1,3 million, soit autant que l’année précédente.

La baisse de la demande en produits pétroliers raffinés touche la navigation sur le Rhin

5,1 millions de tonnes de marchandises ont été transbordées aux Ports rhénans suisses, à Bâle, en 2020, soit 15,5% de moins qu’en 2019 (6,1 millions de tonnes). Ce recul touche aussi bien la réception (4,3 millions de tonnes; –15,3%) que l’expédition (0,8 million de tonnes; –16,3%) de marchandises des bateaux naviguant sur le Rhin. Il s’explique notamment par la baisse de la demande en produits pétroliers raffinés, qui représente le groupe de marchandises le plus important naviguant sur le Rhin (44%). La demande en produits pétroliers raffinés a nettement diminué à cause de la moindre mobilité de la population pendant le confinement, de la baisse de la performance économique, ainsi que des réservoirs à combustible bien remplis en début d’année.

Le transport de conteneurs sur les bateaux naviguant sur le Rhin a un peu moins décliné que l’ensemble du transbordement. Le volume de marchandises transportées dans des conteneurs a diminué de 12,4% par rapport à 2019, pour atteindre 641 000 tonnes nettes.  

Baisse de 41% du fret aérien

Dès le début de la pandémie, le transport de marchandises par avion s’est littéralement effondré. Par rapport à 2019, l’acheminement de marchandises et de courrier a diminué de 37% en mars 2020 et de 68% en avril. Entre mai et décembre, les pertes ont oscillé entre 57% (mai) et 37% (décembre). Sur l’ensemble de l’année 2020, le recul par rapport à 2019 a tourné autour de 41% (2020: 275 000 tonnes, 2019: 463 000 tonnes). Le fret aérien a donc été nettement plus touché par la crise du coronavirus que les autres modes de transport. Cet effondrement a davantage été généré par le manque de capacités de transport que par la diminution de la demande. En effet, en Suisse, l’essentiel du fret aérien n’est pas transporté dans des avions-cargos spéciaux, mais sous forme de belly freight, dans les soutes des avions de passagers. Les immobilisations générales de vol des flottes de passagers se sont donc également répercutées sur le fret aérien. L’aéroport de Bâle-Mulhouse, où le fret aérien est essentiellement assuré par des avions-cargos, contrairement aux aéroports de Zurich-Kloten et de Genève-Cointrin, constitue une exception. Le nombre de tonnes transportées y a donc augmenté de 3% par rapport à 2019, tandis qu’il chutait de 37% à Genève et de 49% à Zurich.

    

Statistiques historiques sur les chemins de fer: reculs du transport de marchandises sur rail entre 1900 et 2020

Les statistiques sur les chemins de fer font partie des plus anciennes statistiques de l’administration fédérale. Il est donc possible de constituer des séries chronologiques particulièrement longues pour le transport de marchandises sur rail. Ainsi, la baisse de la prestation de transport de 5% (tonnes-­kilomètres, voir la page 5 pour les tonnes-kilomètres nettes) constatée pendant l’année 2020, marquée par le coronavirus, peut être comparée avec les évolutions des précédentes crises.

Le graphique G9 montre la prestation de transport entre 1900 et 2020 et donne aussi des indications sur les événements historiques importants. Mais il n’y a pas toujours un lien clair et direct entre ces dates et l’évolution du transport de marchandises sur rail. Si dans les constats ci-après les reculs les plus marquants des prestations de transport sont associés à des événements précis, il n’en reste pas moins que d’autres facteurs ont aussi une influence, même s’ils ne sont pas cités, par souci de concision.  

1900–1950: grippe espagnole, krach boursier et guerres mondiales

Pendant la première moitié du XXe siècle, le système ferroviaire suisse s’est étendu et consolidé. On a notamment assisté à l’étatisation des lignes privées, avec la création des CFF, à l’électrification et à l’optimisation des réseaux ferroviaires et, en 1944, au dégrèvement des lourdes dettes des CFF. Durant ces 50 années, la prestation de transport de marchandises a presque été multipliée par trois par rapport à 1900 (+177%), avec un pic durant l’année de guerre 1941 (multiplication pratiquement par 5, +381%).

Pendant la Première Guerre mondiale, le transport de marchandises sur rail a tout d’abord augmenté, avant de diminuer de 18% en 1917 et de 14% en 1918. La grippe espagnole a commencé à sévir peu avant la fin de la guerre. Cette épidémie, qui a touché près de la moitié de la population suisse, en deux vagues, entre juillet 1918 et juin 1919 et a fait presque 25 000 morts, est la plus grande catastrophe démographique du XXe siècle en Suisse. Elle est survenue au moment des tensions sociales et de la grève générale de 1918.

L’année de la crise de 1921 (crise économique d’après-guerre: effondrement conjoncturel avec dépréciation de la monnaie et forte inflation), la prestation de transport a chuté encore plus drastiquement (de 23%) que tout de suite après la Première Guerre mondiale. Mais c’est avec le krach boursier d’octobre 1929 à New York que l’on a observé la chute la plus importante de l’entre-deux-guerres. Cette crise boursière a entraîné une crise économique mondiale et un déclin économique sur toute la planète entre 1929 et 1932. En Suisse, les conséquences ont été un peu plus tardives que dans les autres pays, grâce à l’évolution favorable de l’économie nationale. La diminution la plus importante générée par cette crise dans le transport de marchandises sur rail fut observée en 1932, avec une baisse de 18% en un an. Après plusieurs années de stagnation, une nouvelle crise est survenue en 1936, entraînant un recul de 16%. À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, étant donné la conjoncture internationale liée aux armements et le programme d’armement extraordinaire voté par le Parlement fédéral en juin 1936, il y eut une courte reprise en 1937. Après un nouveau recul de 21% en 1938, les premières années de guerre ont généré un véritable essor, notamment en 1940, avec une augmentation de 49%.

La forte croissance du début de la guerre fut marquée par les échanges de marchandises bien gardées par la police des chemins de fer, en transit entre les deux puissances de l’Axe, l’Allemagne et l’Italie. Mais les chemins de fer étrangers ne pouvaient plus fournir les prestations d’avant pour assurer les importations. Les chemins de fer suisses ont repris les services d’enlèvement des ports italiens, français et ibériques. Le trafic intérieur s’est développé, car entretemps la majeure partie du réseau était électrifiée et pouvait remplacer le transport routier en voiture et en camion, qui était largement paralysé par le manque de carburant.

Le changement de configuration du conflit mondial a entraîné à partir de l’été 1942 un ralentissement du transport de marchandises sur rail. La prestation de transport a baissé de 5% en 1942, de 19% en 1943 et de 18% en 1944. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le commerce extérieur a très fortement diminué et le transit de marchandises qui passait par la Suisse s’est quasiment effondré. Le transport de marchandises sur rail a alors diminué de 42% au total. Ce fut le plus important recul enregistré en un an entre 1900 et 2020, alors qu’en 1945, la prestation de transport était encore au niveau de ce que l’on connaissait au début des années 1920, avec 1,4 milliard de tonnes-kilomètres.

1950–2000: récession, krach boursier et crises pétrolières

Les années entre 1950 et 2000 ont connu l’essor de l’après-guerre, puis les crises pétrolières des années 70, le krach boursier de 1987 et la récession des années 90. 1957 est aussi l’année de la loi fédérale sur les chemins de fer, qui régit encore aujourd’hui la construction et l’exploitation des chemins de fer, même si elle a été fortement adaptée entretemps.

En 2000, la prestation de transport de marchandises sur rail représentait cinq fois le volume observé en 1950 (+397%). Cette augmentation est d’autant plus impressionnante que durant cette même période, la part du rail dans le transport de marchandises a drastiquement diminué au profit du trafic routier. En effet, malgré les expériences de pénurie de carburant pendant la Deuxième Guerre mondiale, la fin de la guerre fut marquée par le passage à l’économie pétrolière.

Les conséquences de cette évolution sont arrivées dans les années 70. Après la guerre du Kippour (du 6 au 26 octobre 1973) déclenchée par l’attaque d’Israël par l’Égypte, la Syrie et d’autres États arabes, l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OAPEC, Organization of Arab Petroleum Exporting Countries) a réduit sa production pour faire pression sur la position des pays occidentaux face à Israël. Les prix du pétrole ont alors augmenté, provoquant un choc pétrolier. La récession qui a suivi a entraîné un recul transitoire de la consommation de pétrole (qui n’avait cessé d’augmenter jusqu’alors) et a mis fin à la forte croissance économique observée après la Deuxième Guerre mondiale. En 1975, le transport de marchandises sur rail a connu la deuxième baisse la plus importante (–26%) observée en un an pendant la période analysée, entre 1900 et 2020.

L’augmentation du prix du pétrole brut en 1979/1980 et la deuxième crise pétrolière qui a suivi, avec la récession qu’elle a entraînée, ont provoqué une nouvelle baisse de la prestation de transport de marchandises sur rail de 9% en 1982. Cette fois-ci, la baisse de la production et les incertitudes liées à la révolution islamique en Iran (1979), puis la première guerre du Golfe (1980) furent les éléments déclencheurs. Les crises pétrolières ont généré un changement de paradigme, débouchant sur les mesures actuelles, qui visent à renforcer le transport de marchandises sur rail au détriment du trafic routier.

Contrairement aux craintes suscitées, aucun affaiblissement conjoncturel n’a suivi le krach boursier de 1987, le fameux lundi noir, et la prestation de transport sur rail a augmenté de 11% en 1988. On a en revanche observé des reculs avec la crise immobilière et la récession qu’elle a entraînée au début des années 90 (–5% en 1992 et en 1993), ainsi que pendant la stagnation qui a suivi (1996: –9%).

2000–2020: terrorisme, crise financière, Rastatt et COVID-19

Ces vingt dernières années, une réforme des chemins de fer a été mise en œuvre, avec pour objectif d’améliorer l’efficacité et la convivialité du système ferroviaire. La prestation de transport a connu des hauts et des bas, tout en restant sur une trajectoire latérale et a retrouvé actuellement le niveau qu’elle avait au tournant du siècle. Un recul de 4% a suivi les attaques terroristes de 2001 aux États-Unis. En 2009, après la crise financière de 2008 déclenchée par l’éclatement de la bulle immobilière américaine, la prestation de transport a chuté de 14%. Une nouvelle diminution de 4% a été constatée lors de la crise conjoncturelle de 2012, après l’introduction du cours plancher de l’euro. En 2017, la fermeture de la Rheintalbahn (suite à une irruption d’eau dans le tunnel de Rastatt) a entraîné une baisse de 6%. La diminution du transport de marchandises sur rail, constatée en 2020, année de la pandémie, est donc du même ordre de grandeur (5%). La plus forte augmentation depuis l’année 2000 a été enregistrée en 2004 (8%).

Conclusion: si on compare sur le long terme, les effets du coronavirus ont été plutôt modestes

Sur la période observée (entre 1900 et 2020), c’est en 1945 (–42%), 1975 (–26%) et 1921 (–23%) que la prestation de transport de marchandises sur rail a le plus diminué. Les contextes de guerre ont donc joué un rôle direct (guerres mondiales) ou indirect (crises pétrolières) décisif. Les conséquences des turbulences boursières, comme la crise économique mondiale (–18% en 1932) et la crise financière (–14% en 2009) ont entraîné, elles, des reculs moins importants sur une année. En revanche, malgré les conséquences gravissimes sur la population, l’épidémie de grippe ne fut qu’un des nombreux facteurs (coûts de la guerre, politique monétaire) de la crise économique de 1921 (–23%). Si on les compare à tous ces reculs du trafic de marchandises, les 5% de baisse liée au coronavirus en 2020 semblent plutôt modestes. Ils sont comparables aux pertes des différents ralentissements conjoncturels après les années 1950, dont nous avons cité quelques exemples ici. En revanche, la pandémie a entraîné un effondrement de la prestation de transport de personnes sans précédent dans l’histoire des chemins de fer (–39%), qui s’explique par les mesures politiques pour endiguer la pandémie et par le changement volontaire de comportement de la population.

Littérature:

Rapport de gestion de la Banque nationale suisse 1988.

Dictionnaire historique de la Suisse (DHS).

Kreis, Georg (Hg.): Die Geschichte der Schweiz, Basel 2014 (en allemand).

Thiessing, René (Red.): Ein Jahrhundert Schweizer Bahnen 1847–1947, Frauenfeld 1947–1964 (en allemand).

Treichler, Hans Peter (Red.): Bahnsaga Schweiz, 150 Jahre Schweizer Bahnen, Zürich 1996 (en allemand).

Commentaires sur les sources des graphiques:

Pour les années 1970 à 2020, nous avons utilisé le tableau Transport de marchandises: prestations (performances) de l’OFS, avec des commentaires sur les plus minimes adaptations méthodologiques. Les chiffres plus anciens proviennent de l’Annuaire statistique de la Suisse, publié par l’OFS (éditions de 1910, 1925, 1951, 1959/60 et 1972). Quand certains chiffres se recoupaient, des publications plus anciennes pouvaient fournir des indications différentes, à cause des révisions. Dans ces cas-là, nous avons systématiquement pris les chiffres de la publication la plus récente.

Tonnes-kilomètres: quantité de marchandises transportées, y compris le poids des unités de transport intermodales.

Méthode de relevé des données

Définitions

Les prestations de transport prennent en compte, outre les distances parcourues, les quantités de marchandises acheminées. Elles sont exprimées en tonnes-kilomètres, une tonne-kilomètre correspondant au transport d’une tonne sur un kilomètre. L’indicateur des prestations de transport sert à évaluer les prestations de service effectivement fournies par le système de transport et, par conséquent, la demande de transport de marchandises.

Délimitations

Les prestations de transport et de circulation se réfèrent, sauf mention contraire, au réseau de transports suisse (principe de territorialité). Si les valeurs ne sont pas explicitement exprimées en tonnes-kilomètres nettes ou tonnes nettes, elles incluent, dans le cas du transport combiné de marchandises, le poids des unités de transport intermodales (conteneurs, caisses mobiles, semi-­remorques et véhicules routiers de transport de marchandises).

Enquêtes, sources

Les données se basent sur les sources suivantes:

– enquête sur le transport routier de marchandises (ETM) de l’Office fédéral de la statistique (OFS), réalisée auprès des détenteurs de véhicules lourds immatriculés en Suisse,

– enquête de l’OFS sur les véhicules utilitaires légers, soit les voitures de livraison et les tracteurs à sellette légers,

– enquête sur le trafic transfrontalier de marchandises par la route (GQGV) de l’OFS, réalisée auprès de véhicules lourds étrangers,

– statistique des transports publics de l’OFS pour le transport de marchandises par le rail,

– statistique du transport combiné de marchandises de l’OFS pour le transport combiné par le rail, la route et la navigation intérieure,

– statistique de l’aviation civile de l’OFS et de l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC) pour le fret aérien,

– statistique du parc des véhicules routiers de l’OFS et de ­l’Office fédéral des routes (OFROU),

– statistique du trafic marchandises à travers les Alpes de ­l’Office fédéral des transports (OFT),

– statistique de la navigation des ports rhénans suisses pour la navigation sur le Rhin,

– rapport annuel 2020 de Avernergy Suisse (auparavant: Union pétrolière),

– base de données de l’office statistique de l’Union européenne (Eurostat, http://ec.europa/eurostat/data/database ).

Les deux enquêtes par échantillonnage sur le transport de marchandises par la route (ETM et GQGV) ont été réalisées parallèlement en 1993, 1998, 2003, 2008, 2014 et 2019. Les années où il n’y a pas d’enquête, les prestations sont estimées à l’aide d’un modèle. L’ETM est devenue une enquête permanente à partir de 2008.

Une enquête sur les véhicules légers de transport de marchandises a été réalisée en 2013, pour la première fois depuis 1998. Les véhicules légers étrangers de transport de marchandises ne sont pas pris en considération, car leurs prestations en Suisse sont très faibles et donc négligeables.

Les chiffres-clés les plus importants de l’ETM sont publiés trimestriellement sous forme provisoire dans le portail statistique de l’OFS (voir ci-dessous). Pour le transport de marchandises par rail, on dispose aussi de données trimestrielles actuelles provisoires.

Dans le cadre de la statistique des transports publics (TP), l’OFS collecte une foule de données sur le trafic ferroviaire de marchandises, en sus des chiffres sur le trafic voyageurs. La base de données est formée, d’une part, par une enquête annuelle exhaustive menée auprès de toutes les entreprises de transport qui effectuent des transports de marchandises sur le territoire suisse (principe de territorialité). D’autre part, des données supplémentaires sont relevées auprès des entreprises de transport les plus performantes, avec ventilation par source/destination, types de marchandises, marchandises dangereuses et unités de transport intermodales.

Autres informations sur Internet

Portail statistique de l’OFS, Mobilité et transports:

www.statistique.ch → Trouver des statistiques → 11 – Mobilité et transports