Résumé
Depuis la naissance des États-nations, la citoyenneté a été le moyen le plus puissant pour définir une égalité entre les individus. Des attitudes discriminatoires perdurent néanmoins, même dans les sociétés libérales. Le présent chapitre étudie l’accès à la citoyenneté et les facteurs qui favorisent des approches inclusives. Il vise à mesurer l’influence des institutions cantonales sur la nature inclusive ou restrictive des procédures de naturalisation et à évaluer la sensibilité de ces institutions aux opinions de la population. Nous montrerons que le caractère plus ou moins inclusif des pratiques cantonales dépend de facteurs démographiques et politiques. Les cantons qui connaissent une forte immigration et possèdent une importante population urbaine privilégient des politiques migratoires inclusives. Plus l’orientation est libérale à tous les échelons politiques du canton, plus celui-ci tendra à se montrer inclusif dans sa pratique migratoire. Ces résultats sont vérifiés et confirmés par une enquête de l’OFS. Une attitude libérale prédomine dans la population des cantons à tendance inclusive. La population des cantons à grande diversité démographique est plus progressiste et plus à l’aise avec la société plurielle moderne que celle des cantons démographiquement plus homogènes. Au niveau individuel, les attitudes face à la diversité dépendent des conditions de vie, de l’expérience migratoire et de l’orientation politique de chacun.
7.1 Le rôle de la citoyenneté
7.1.1 La citoyenneté comme moteur d’inclusion
Selon la doctrine en cours dans les sociétés occidentales, la citoyenneté est un instrument normatif qui constitue la base essentielle de l’égalité et de la dignité sociale (D’Amato 2001). Les constitutions modernes rejettent en général tout ce qui crée des discriminations au sein de la population. Par conséquent, l’égalité et la respectabilité comprennent non seulement des droits, mais aussi des obligations et des responsabilités, liées au statut politique et légal de la citoyenneté. Les membres d’une collectivité ne jouissent cependant pas tous du même degré de respectabilité. L’absence de droits ou une asymétrie entre droits et devoirs peut entraver leur participation pleine et entière au sein d’une communauté politique, et engendrer ou renforcer ainsi des discriminations. La perception d’autrui peut par ailleurs conduire à des discriminations envers d’autres habitants, quel que soit leur statut. Traditionnellement, seuls les citoyens pleno jure jouissent pleinement de la protection de l’État et des droits constitutionnels. Voici les questions clés qui se posent dès lors: qui est citoyen? Comment étendre la citoyenneté aux non-citoyens? Quelles attitudes garantissent le respect mutuel? C’est sur la volonté d’inclure ou d’exclure des résidents non encore considérés comme citoyens que le débat s’est focalisé ces dernières décennies. Si les constitutions libérales n’excluent en principe que rarement des citoyens ou des membres de l’électorat pour des raisons d’ordre culturel, religieux ou ethnique, ces critères jouent un rôle important dans l’évaluation ou l’appréciation de possibles futurs citoyens. Cette attitude envers autrui peut dépendre du cadre institutionnel général, possibilité que nous analysons dans ce chapitre en nous fondant sur les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS). On peut considérer que la controverse au sujet des droits sociaux, civils et, plus récemment, politiques dont les immigrés ont fait les frais à plus d’un titre est un indicateur du fonctionnement des systèmes politiques et des formes actuelles d’exclusion et, partant, de la qualité de nos démocraties.
L’histoire de la démocratie montre que des régimes démocratiques et performants peuvent être perçus de différentes manières. Une partie de la population peut par exemple trouver un système inclusif et progressiste, tandis qu’une autre partie peut le juger discriminatoire et hégémonique. Les pratiques de marginalisation se fondent en général sur l’évaluation de critères à même de justifier l’exclusion. Aux États-Unis, par exemple, l’origine ethnique et le sexe ont longtemps limité l’accès au service militaire, voire, dans une «république en armes», à la citoyenneté (Shklar 1991). Outre l’origine ethnique et le sexe – critères de ségrégation appliqués au début du républicanisme –, la classe sociale a aussi servi de critère d’exclusion décisif aux XIXe et XXe siècles. Diverses luttes menées à différents niveaux ont marqué l’évolution des démocraties modernes; elles ont débouché sur la création de systèmes de protection sociale destinés à combler le fossé entre nantis et démunis, à garantir l’accès à la formation et à la santé, à instaurer une solidarité sans précédent. La nationalité Dans la littérature spécialisée, la citoyenneté se réfère aux personnes jouissant pleinement du droit de participation, soit à l’aspect actif du statut de citoyen, tandis que la nationalité désigne l’appartenance formelle à un État-nation (D’Amato 2001). Dans ce texte, nous considérons ces deux termes comme des synonymes. n’en a pas moins été, et reste dans une certaine mesure, un puissant moyen pour décider s’il convient de considérer les immigrés comme des égaux, s’ils ont droit au même respect ou s’ils «méritent» un traitement inégal (D’Amato 2001).
Dans les pays d’immigration traditionnels d’outre-mer, l’accès des immigrés à la citoyenneté puis à la naturalisation allait de soi, car il s’inscrivait dans un vaste processus d’intégration. L’Europe et, plus particulièrement, la Suisse n’ont accueilli de gros contingents d’immigrés qu’après la Seconde Guerre mondiale. Comme ils étaient recrutés à titre de travailleurs temporaires, nul n’imaginait qu’ils puissent un jour devenir des citoyens à part entière. La dynamique des flux migratoires et d’autres changements ont sans doute contribué à instaurer une conception plus inclusive de la citoyenneté et à favoriser l’acceptation des migrants, deux points que nous analyserons dans ce chapitre. Avec le regroupement familial, les saisonniers sont devenus des immigrés établis dans le pays. Nombre d’entre eux ont conservé leur nationalité d’origine, un choix rationnel à la fois pratique, car procurant certains droits, et symbolique, car témoin d’une autre identité nationale. À la même époque, les principaux pays d’accueil démocratiques ont élargi les droits des résidents permanents dans plusieurs domaines, les hissant parfois au niveau de ceux des nationaux. Enfin, de plus en plus de pays d’immigration ont abandonné la règle (issue d’un consensus en droit international) selon laquelle les personnes obtenant leur naturalisation devaient renoncer à leur nationalité précédente et de plus en plus de pays d’émigration ont accepté que leurs expatriés possèdent des nationalités multiples. Ces divers changements ont occulté la ligne de séparation, naguère très nette, entre étrangers et citoyens. Alors que certains observateurs ont salué cette tendance, y voyant l’avènement d’une ère cosmopolite post-nationaliste qui finirait par reléguer aux oubliettes la citoyenneté liée à un État, d’autres se sont inquiétés des loyautés multiples des migrants, de leur apparente liberté de jouir des droits du citoyen (sans en avoir les obligations) et de la mobilisation politique d’identités ethniques ou religieuses (lire à ce sujet l’excellent article de Bauböck et al. 2006).
En revendiquant une participation politique plus large, les immigrés se sont attaqués au «noyau dur» (Barbalet 1988) des démocraties modernes. Les efforts déployés pour accroître leurs possibilités de participer aux processus démocratiques, tant au niveau national que transnational, en a fait un nouvel objet d’étude, qui repose sur trois dynamiques politiques liées et interdépendantes: comment les systèmes politiques ont-ils réagi, sur le plan institutionnel, à la croissance de la population immigrée? De quelle manière (plus ou moins inclusive) a été défini l’accès à la citoyenneté? Quelles stratégies les immigrés ont-ils choisies pour parvenir à l’intégration?
Les droits obtenus jusqu’ici semblent montrer qu’il est impossible, contrairement à ce que l’on supposait au XIXe siècle, d’associer de manière stricte un ensemble de droits à une entité nationale. Considérer les immigrés installés à long terme davantage comme des résidents que comme des étrangers (Hammar 1985) a fait progresser la réflexion sur l’écart, au sein d’une nation, entre le statut légal des citoyens et les droits des non-nationaux. Il a également fallu remettre en question les normes civiles communes afin de favoriser la coexistence au sein d’un monde pluriel.
7.1.2 Évolution de la notion de citoyenneté
La notion de citoyenneté a connu moult changements au fil du temps. Depuis la démocratie athénienne de l’Antiquité, sa définition fondamentale correspond à un statut d’appartenance à une entité politique autonome. De nos jours, on associe différentes significations à la notion moderne de citoyenneté: elles vont du statut légal de la nationalité aux vertus du «bon citoyen» apportant sa contribution à la collectivité. Dans cette section, nous adoptons une conception largement politique de la citoyenneté, fondée sur l’appartenance et la participation de plein droit d’un individu à une communauté politique. C’est en particulier dans le cadre de la migration que la citoyenneté marque une distinction entre les membres établis d’une collectivité et les non-membres, cette distinction se fondant sur la relation privilégiée des premiers avec l’État.
Or cette relation à l’État a évolué. Les progrès technologiques permettent d’élargir et d’approfondir les contacts avec le «pays d’origine» de même qu’avec les membres du même groupe établis en d’autres lieux. De plus, une certaine représentation de la «patrie», véhiculée en particulier par les médias, était très répandue parmi les personnes émigrées et parmi celles restées au pays (Kaya et Baglione 2008). Les médias – journaux, radio, télévision et, désormais aussi, internet – ont de tout temps largement contribué à propager un sentiment d’appartenance commune. Aujourd’hui, il n’est dès lors plus considéré comme illégitime d’entretenir des liens diasporiques multiples. Avec l’avènement de la mondialisation, la «fragmentation» de l’individu constitue au contraire un atout. Analysant tout spécialement le transnationalisme politique, Bauböck (2003, 701) a mis en évidence le rôle joué par l’évolution des institutions et par les nouvelles notions d’appartenance, tant dans les pays d’origine que d’accueil. L’un des nouveaux traits marquants de l’appartenance transnationale réside dans la possibilité offerte à tous les individus, nationaux et non nationaux, de combiner statut et affiliations internes et externes, comme l’illustre parfaitement la double nationalité.
Une littérature émergente qui explore les modes d’appartenance se concentre sur les diverses manières dont une identité se construit aujourd’hui en rapport avec différents lieux, groupes et pays (voir p. ex. Christiansen et Hedetoft 2004; Sicakkan et Lithman 2005; Paugam 2008; Paugam et al. 2020). Considérées d’un autre point de vue, de telles affiliations peuvent être appelées «liens». La notion de liens sociaux, culturels, économiques et politiques des individus focalise notre attention moins sur les identités que sur les relations et les habitudes sociales qui structurent leur vie (Fibbi et D’Amato 2008).
Selon différents auteurs (Brubaker 1992; Bauböck 2003), la citoyenneté est un concept plus discriminatoire que les liens et l’appartenance, car elle correspond à un statut de membre accordé par une communauté politique établie. La citoyenneté n’est ni un phénomène purement subjectif (à l’instar du sentiment d’appartenance) ni un phénomène objectif, au sens où il pourrait être perçu par un observateur qui considère de l’extérieur la situation et les activités sociales d’une personne. La citoyenneté se fonde sur un rapport quasi contractuel entre un individu et une collectivité (Bauböck et al. 2006). Elle comprend la loyauté envers une communauté, mais aussi la protection universelle des droits individuels garantie par l’État. Contrairement à l’appartenance et aux liens, la citoyenneté est également une notion binaire qui oppose «citoyens» et «non-citoyens».
Encadré 7.1: nccr – on the move
nccr – on the move est le National Center of Competence in Research (NCCR, centre national de compétences en matière de recherche) dédié aux études sur la migration et la mobilité. Il vise à mieux comprendre les phénomènes contemporains liés à la migration et à la mobilité en Suisse et ailleurs. Interdisciplinaire, le NCCR réunit la recherche en sciences sociales, en économie et en droit (www.nccr-onthemove.ch ).
Récemment, des discours républicains et communautaristes ont à nouveau mis l’accent sur les obligations et les responsabilités morales, de même que sur les devoirs légaux associés à la citoyenneté. Ces discours pourraient exercer une influence sur l’accès, plus ou moins ouvert ou restrictif, à la citoyenneté. Ils veulent en effet imposer aux migrants les devoirs du citoyen de manière moins progressive et moins différenciée que les droits du citoyen. Les pays d’accueil ont pourtant régulièrement affirmé que les populations immigrées sont tenues de s’assimiler ou de s’intégrer, profitant de la procédure de naturalisation pour souligner un devoir de loyauté, qui s’avère au mieux implicite pour les citoyens de naissance. L’Autriche, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse ont tous mis en place des cours d’intégration pour les nouveaux arrivants, qui comprennent principalement l’apprentissage de la langue et quelques instructions et informations pratiques sur le système juridique et politique du pays d’accueil. Avec sa structure fédéraliste et sa démocratie directe, la Suisse est un cas intéressant pour étudier les facteurs qui légitiment une approche plus restrictive ou plus libérale de l’inclusion. Le présent chapitre se penche donc sur les questions suivantes: le caractère libéral ou restrictif de l’inclusion relève-t-il des seules institutions cantonales et fédérales ou celles-ci sont-elles sensibles à l’attitude générale qui prévaut au sein de la population? Dans quelle mesure la notion de citoyenneté est-elle liée à ces attitudes? Existe-t-il, en général, une relation entre attitudes, contexte institutionnel et spécificités individuelles?
7.2 Citoyenneté et fédéralisme
Selon le nccr – on the move (2018; voir encadré 7.1), la législation suisse compte indéniablement parmi les plus restrictives d’Europe pour ce qui est d’acquérir la citoyenneté par naissance sur son territoire (jus soli, droit du sol ou principe du lieu de naissance) ou à la suite d’un séjour prolongé (naturalisation ordinaire). Comparée à ses voisins européens, la Suisse accorde plus rarement aux résidents étrangers le droit de vote dans les élections locales. Dans ce domaine, des différences significatives séparent néanmoins les cantons, la Suisse romande se montrant plus inclusive que les autres régions linguistiques. À l’inverse, la Suisse figure parmi les pays les plus généreux lorsqu’il s’agit de permettre aux personnes expatriées de participer à des scrutins nationaux.
Les critères régissant l’accès à la citoyenneté en Suisse diffèrent beaucoup d’un canton à l’autre (voir graphique G7.1). Ils varient au niveau des exigences légales régissant les points suivants: durée de résidence, compétences linguistiques, intégrations culturelle et civile, réputation ainsi que ressources économiques. En matière de naturalisation, les cantons du Jura, de Schaffhouse, d’Appenzell Rhodes-Extérieures, de Lucerne et d’Obwald possèdent les dispositions les plus inclusives. À l’opposé, les cantons d’Argovie, de Schwyz et de Berne connaissent les régimes les moins inclusifs, qui imposent en général des exigences accrues en termes de résidence, de connaissance de la langue, d’intégration culturelle et civile, de moralité et de ressources économiques.

Pour quelles raisons certains cantons se montrent-ils plus inclusifs dans leurs procédures de naturalisation? Ces raisons relèvent-elles d’une philosophie différente, institutionnalisée en matière d’intégration, ou sont-elles indirectement liées aux valeurs qui prévalent au sein de la population? Dans un État fédéral comme la Suisse, l’accès à la citoyenneté se heurte à l’évidence au défi que représente une gouvernance à plusieurs niveaux. Certains mécanismes centralisateurs, dont l’application est garantie par une Cour suprême en Allemagne et aux États-Unis, opèrent moins en Suisse. Tant le Parlement que les citoyens s’opposent aux approches centralisatrices, tous deux conférant un poids politique important à l’opinion en période de mobilisation politique. Par le biais d’initiatives populaires et de référendums, la démocratie directe offre en effet aux groupes sociaux l’occasion de participer directement au processus politique et peut ainsi entraîner une forte politisation de la question migratoire. Par le passé, les instruments de la démocratie directe ont toujours contraint l’élite politique à négocier des mesures contre l’immigration avec des acteurs populistes. Si d’autres pays d’Europe peuvent adopter des politiques «à huis clos» (Guiraudon 2000) pour étendre certains droits politiques et sociaux aux migrants, c’est quasiment impossible en Suisse.
De plus, bien que la Confédération ait le pouvoir de légiférer dans la plupart des domaines, l’application des politiques fédérales incombe en majeure partie aux cantons, ce qui explique en partie les écarts observés. Ce système a le mérite de réduire la charge de travail de la Confédération; quant aux cantons, ils restent maîtres de leurs priorités et peuvent adapter les politiques fédérales aux situations locales. Ces spécificités de l’État fédéral suisse affectent également les politiques en matière de citoyenneté. Dans ce domaine, ce sont les cantons et les communes qui jouent un rôle central. Les cantons bénéficient en particulier d’une grande marge de manœuvre dans la promotion des directives recommandées par les institutions fédérales. Dans la pratique, ce fédéralisme d’exécution constitue la pierre angulaire du système politique suisse. Bien que le gouvernement central possède l’autorité législative, l’application de la législation est confiée aux cantons. Pour s’acquitter de leur tâche, ceux-ci doivent disposer d’une marge d’appréciation. Elle leur permet d’adapter les dispositions fédérales aux conditions locales, d’où une plus grande légitimité des décisions. Voilà pourquoi les États fédéraux sont parfois décrits comme des «laboratoires» se prêtant à l’expérimentation de différents modèles et à l’élaboration de bonnes pratiques. À l’inverse, le fédéralisme peut faire subir aux migrants une discrimination structurelle et une inégalité de traitement problématiques en fonction de leur lieu de résidence dans un canton (Manatschal 2013). Reste à déterminer la cause exacte des écarts intercantonaux.
7.3 Mesurer l’inclusivité
dans les cantons suisses
Dans une étude récente, qui explorait les marges de manœuvre cantonales dans l’application de la législation sur les migrations, les auteurs ont cherché à comprendre les facteurs contextuels expliquant le caractère inclusif (ou restrictif) des pratiques cantonales (Probst et al. 2019). Ils ont analysé ces facteurs dans le cadre de la citoyenneté. À cet effet, ils ont créé des indices capables de mesurer le degré d’inclusivité de différents secteurs de la politique migratoire. L’inclusivité désigne une pratique qui, contrairement à une conception restrictive, cherche à favoriser l’intégration en facilitant l’accès à la participation et aux droits et repose dès lors sur des exigences modestes et sur un large soutien financier. En bref, elle définit des degrés variables de facilité ou de difficulté pour les personnes immigrées d’accéder à la citoyenneté pleine et entière. L’inclusivité et la restrictivité sont les deux pôles du spectre des possibilités s’offrant aux cantons pour concevoir leurs politiques d’intégration.
Le contexte des différents cantons a été décrit à l’aide d’indicateurs appropriés: notamment l’indice démographique, l’indice politique et l’indice d’inclusivité, chacun se fondant sur plusieurs variables.
– Indice démographique: Cet indice livre des informations sur le degré de diversité au sein des populations des cantons sur la base des indicateurs suivants: évolution démographique, part de la population étrangère, part de la population issue de la migration, part de la population urbaine, taux de naturalisation standardisé, taux de chômage, proportion de mariages mixtes (binationaux) et part de la population suisse ayant suivi une formation du degré tertiaire.
– Indice politique: Cet indice combine des informations sur les résultats des votations relatives à des questions migratoires ainsi que sur l’orientation politique du législatif et de l’exécutif en matière d’immigration. Les résultats de votations proviennent de quatre scrutins qui ont eu lieu entre 2009 et 2017.
– Indice d’inclusivité: Cet indice se fonde sur les quatre indicateurs suivants: taux d’octroi de l’asile, taux de naturalisation, taux d’intégration et taux d’admission. Chacun d’entre eux se compose de différentes variables qui couvrent les pratiques cantonales dans les quatre domaines spécifiés. Il fournit des informations sur le cadre institutionnel que chaque canton a défini dans ces domaines.
L’analyse révèle que l’orientation politique des autorités d’un canton exerce une influence sur ses pratiques de naturalisation. Une pratique inclusive est étroitement liée à des vues libérales sur la migration, vues qui se retrouvent dans les résultats des votations et dans la composition du législatif. Ce constat correspond à celui de Helbling (2010), qui conclut que le taux de rejet des demandes de naturalisation est plus élevé là où la population locale se montre restrictive envers la naturalisation (ou l’octroi de droits civils).
L’analyse montre par ailleurs que la composition de la population cantonale présente un lien avec l’inclusivité dans le domaine de la naturalisation. Les cantons où une part élevée de la population est issue de la migration tendent à appliquer des pratiques inclusives. C’est typique de cantons à forte population urbaine. Ces indications confirment en outre l’hypothèse selon laquelle les cantons moins urbanisés s’avèrent en général plus restrictifs en matière de naturalisation.
L’étude a analysé les différents contextes et évalué plusieurs indicateurs de pratiques inclusives. Ses auteurs ont observé un lien fort entre les indicateurs politiques et démographiques, d’une part, et l’inclusion, d’autre part. Les cantons affichant un taux élevé d’immigration et une population urbaine privilégient des politiques migratoires inclusives. Cette observation se réfère aux conclusions de Wichmann et al. (2011, 97), selon qui le degré d’urbanisation explique au mieux les différences intercantonales en matière d’inclusivité. L’analyse des variables individuelles (agrégées dans l’indice démographique) révèle une influence particulièrement forte de la proportion d’étrangers et de personnes issues de la migration. Il est possible d’interpréter cette observation à la lumière de l’hypothèse du contact, qui remonte à Allport (1954). Cette théorie dit que l’ouverture envers les personnes immigrées s’accroît parallèlement à l’intensité de leurs contacts avec la population résidente (voir aussi Hewstone et Swart 2011). Une concentration plus forte de migrants, typique des centres urbains, ne signifie pas nécessairement que ceux-ci ont des contacts étroits avec la population résidente, mais augmente la possibilité de ce type de rencontres.
S’ajoutant à l’indice démographique, l’analyse du contexte prend en compte l’orientation politique des cantons, plus précisément l’attitude plus ou moins libérale en matière de migration qui prévaut au sein de leur Parlement, de leur gouvernement et de la population votante. L’indice politique présente le lien le plus fort et le plus fiable avec l’inclusivité dans la direction prévue: si les milieux politiques ont une attitude libérale face à l’immigration, le canton concerné tendra à appliquer des pratiques plus inclusives qu’un canton dont le paysage politique est plus conservateur dans ce domaine.
7.4 Attitudes face à la diversité: poids du contexte institutionnel, de la démographie et des facteurs individuels
Dans quelle mesure les attitudes observées au sein de la population sous-tendent-elles le contexte suisse décrit plus haut? Existe-t-il une relation entre le contexte institutionnel, défini en termes de pratiques cantonales, et les attitudes de la population face à la diversité, notamment si l’on tient compte du droit de veto que la démocratie directe accorde aux citoyens? Cette partie du chapitre tente d’analyser les liens complexes qui existent entre contexte institutionnel et attitudes de la population.
Encadré 7.2: Enquête sur le vivre ensemble en Suisse
Dans un contexte marqué par la diversité, l’enquête de l’OFS sur le vivre ensemble en Suisse (VeS) a pour objectif de présenter une image fiable des enjeux soulevés par la cohabitation des différents groupes vivant actuellement dans le pays. Depuis 2016, elle recueille tous les deux ans des informations sur l’acceptation, le rejet et l’intégration de certains groupes. Elle permet de suivre les tendances que certains phénomènes, comme le racisme, la xénophobie et la discrimination, dénotent au sein de la société. Les données collectées servent de base pour observer les changements sociaux et contribuent à mieux orienter les politiques en matière d’intégration et de lutte contre la discrimination.
Les indices démographique et politique, mentionnés ci-dessus, ont permis d’expliquer les écarts qui séparent les cantons en matière d’inclusivité. L’étape suivante associe l’étude de Probst et al. (2019) avec les données de l’enquête de l’OFS sur le vivre ensemble en Suisse (voir encadré 7.2 «Enquête sur le vivre ensemble en Suisse») afin de vérifier la pertinence des catégories définies pour l’inclusivité et la restrictivité. Cette vérification aidera également à déterminer si un lien existe entre le cadre institutionnel, façonné par les pratiques cantonales, et les attitudes au sein de la population. Les attitudes observées sont celles face à la diversité et aux «autres» tels que les personnes migrantes, des groupes ethniques donnés ou des minorités religieuses (voir encadré 7.3 «Attitudes face à la diversité»).
Encadré 7.3: Attitudes face à la diversité
Divers indicateurs permettent d’observer les attitudes face à la diversité, chacun d’entre eux se référant dans une certaine mesure au processus de différenciation et à la notion d’altérité. Dans notre cas, ces attitudes sont mesurées à l’aune du sentiment de malaise éprouvé par une population donnée lorsqu’elle est confrontée à des différences dans la vie de tous les jours. Ce sentiment est associé à cinq critères clés ou causes de gêne, à savoir des différences en termes de couleur de la peau, de nationalité, de langue, de religion et de mode de vie (nomade au lieu de sédentaire).
7.4.1 Attitudes et contexte institutionnel
Puisque le contexte suisse attribue un grand poids politique aux attitudes de la population, la relation potentielle de ces dernières avec les politiques cantonales est analysée à l’aide de l’indice d’inclusivité de Probst et al. (2019). Cette approche permet de savoir si les personnes vivant dans des cantons classés parmi les «inclusifs» selon l’indice se montrent plus ouvertes envers la diversité que les personnes habitant dans des cantons situés à l’opposé, c’est-à-dire «non inclusifs».
L’évaluation tend dans une certaine mesure à valider le lien entre le caractère inclusif d’un canton et les attitudes de sa population à l’égard des «autres» Moyennes cantonales selon l’enquête sur le vivre ensemble en Suisse. . Le graphique G7.2 révèle qu’il existe une relation quasi linéaire entre le sentiment de malaise face à la diversité et le degré d’inclusivité de chaque canton suisse. Bâle-Ville est le canton où l’indice d’inclusivité est le plus élevé (0,91) et où les attitudes face à la diversité sont en moyenne les moins négatives (16% de la population affichent des attitudes négatives); Uri est le canton où l’indice d’inclusivité est le plus faible (0,23) et les attitudes les plus négatives (79%). Dans les cantons considérés comme inclusifs sur la base de leurs pratiques administratives Bâle-Ville, Jura, Neuchâtel, Valais, Vaud, Soleure , un peu moins de 30% des habitants ressentent un malaise face à une personne perçue comme différente; dans les cantons considérés comme restrictifs Appenzell Rhodes-Extérieures, Appenzell Rhodes-Intérieures, Argovie, Bâle-Campagne, Fribourg, Grisons, Nidwald, Schwyz, Tessin, Uri, Zoug et dans les cantons classés entre-deux Berne, Genève, Glaris, Lucerne, Obwald, Schaffhouse, Saint-Gall, Thurgovie, Zurich , cette proportion est plus élevée, se situant entre 34% et 37%. Les écarts les plus nets entre les cantons classés selon leur degré d’inclusivité apparaissent surtout au niveau des droits des non-nationaux. Dans les régions où les pratiques cantonales sont inclusives, deux tiers de la population pensent que les ressortissants étrangers nés en Suisse devraient bénéficier d’une naturalisation automatique. Dans les cantons moins inclusifs ou restrictifs, la proportion chute à 57% et à 53% respectivement. Le même constat prévaut pour ce qui est d’accorder la participation politique et le droit de vote aux non-nationaux: dans les cantons inclusifs, 55% de la population est favorable à cette idée, alors que celle-ci n’est approuvée que par 42% de la population dans les cantons plus restrictifs. Comme escompté, pratiques cantonales et attitudes au sein de la population se rejoignent pour ce qui est des droits des non-nationaux.

Bien que des différences s’observent selon le degré d’inclusivité des cantons, la relation entre l’indice d’inclusivité de Probst et al. (2019) et l’indicateur d’attitudes basé sur les données issues de l’enquête de l’OFS sur le vivre ensemble (2018) est plutôt faible (voir tableau T7.1 en annexe). L’étude de Probst et al. (2019) révélant une forte influence positive de l’indice démographique sur l’inclusivité, il convient d’analyser de plus près le lien entre démographie et attitudes.
7.4.2 Démographie et attitudes
Selon les conclusions présentées plus haut, les pratiques cantonales sont liées aux attitudes de la population face à la diversité, sans que la relation existante soit forte. Il est dès lors permis de supposer que le caractère inclusif des cantons et l’ouverture de la population sont des éléments distincts. Reste à savoir si la démographie est un facteur commun qui présente des liens à la fois avec les pratiques cantonales et les attitudes individuelles.
Indice démographique
Dans l’étape suivante, nous examinons si les personnes vivant dans des cantons à grande diversité selon l’indice démographique se montrent plus ouvertes face à la diversité que celles qui habitent dans des cantons qui se situent à l’autre extrémité de l’échelle de la diversité définie par Probst et al. (2019).
Comme ce fut le cas jusqu’à un certain point pour l’inclusivité, il est possible de confirmer le lien entre la diversité d’un canton en termes de composition démographique et les attitudes de sa population envers les «autres» (voir tableau T7.1 en annexe). Le facteur démographique est corrélé davantage avec le sentiment de malaise que le facteur d’inclusivité. Plus la diversité d’un canton est grande – c’est-à-dire plus il se distingue par une forte proportion d’étrangers, une part élevée de personnes issues de la migration, une grande proportion de population urbaine, etc. – plus les attitudes face aux questions mentionnées sont positives. Le graphique G7.3 illustre, pour tous les cantons suisses, la relation linéaire qui existe entre le sentiment de malaise face à l’altérité et le degré de diversité. La disposition des points sur une ligne montre que la corrélation entre les variables est plutôt forte: plus la diversité est faible, plus les attitudes sont négatives. Dans les cantons dont la démographie présente une grande diversité Argovie, Bâle-Ville, Genève, Neuchâtel, Schaffhouse, Tessin, Vaud, Zoug, Zurich par exemple, le sentiment de gêne ressenti par la population face à quelqu’un perçu comme différent est plus faible (en moyenne, 30% de la population ressent un malaise) que dans les cantons à diversité démographique moyenne Appenzell Rhodes-Extérieures, Bâle-Campagne, Berne, Fribourg, Glaris, Jura, Lucerne, Saint-Gall, Schwyz, Soleure, Thurgovie, Valais (37%) ou faible Appenzell Rhodes-Intérieures, Grisons, Nidwald, Obwald, Uri (48%). L’attitude envers les ressortissants étrangers est aussi plus positive dans le groupe des cantons à démographie diversifiée que dans ceux à démographie moyennement ou peu diversifiée. Dans les premiers, la majorité de la population accepterait d’accorder des droits plus larges aux non-nationaux, notamment le droit de vote, le droit au regroupement familial, le droit de la deuxième génération à la naturalisation automatique et le droit de rester dans le pays même lorsque les possibilités d’emploi se font plus rares. Dans les cantons à démographie peu diversifiée, seule une minorité accepterait de consentir de tels droits. L’écart le plus net entre les cantons concerne la participation politique: 51% de la population y est favorable dans les cantons diversifiés contre 44% dans les cantons où moyennement diversifié et 30% dans les non diversifiés.
Les attitudes diffèrent donc en fonction de la composition démographique des cantons. Pour certains indicateurs, tel le sentiment de malaise, les pourcentages varient beaucoup. Comparé à l’indice d’inclusivité fondé sur les pratiques cantonales, l’indice démographique explique mieux les attitudes envers les «autres» (voir tableau T7.1 en annexe). Une vérification utilisant des facteurs agrégés ou contextuels construits à l’aide des données de l’enquête de l’OFS sur le vivre ensemble (régions linguistiques ou degré d’urbanisation, p. ex.) révèle néanmoins que la relation entre l’indice démographique de Probst et al. (2019) et les attitudes face à la diversité est plutôt faible. Le faible lien entre la diversité et les attitudes pourrait s’expliquer par les écarts dans la composition des échantillons des deux jeux de données. Une autre explication pourrait résider dans la structure de l’indice démographique mis au point par Probst et al. (2019). Si cet indice inclut différentes variables adéquates pour analyser l’inclusivité, l’urbanisation n’en constitue qu’une composante parmi d’autres. En matière d’attitudes, il conviendrait d’examiner de plus près l’importance de l’urbanisation elle-même, puisqu’elle semble expliquer au mieux la notion d’inclusivité (Wichmann et al. 2011).

Degré d’urbanisation
De par sa structure, l’indice démographique de Probst et al. (2019) n’explique pas de manière suffisante les attitudes face à la diversité et à l’altérité. Concentrer l’analyse sur l’urbanisation seule permet d’évaluer l’impact de ce facteur.
Comparé à l’indice d’inclusivité et à l’indice démographique, le facteur d’urbanisation élaboré par l’OFS définit trois types de régions en fonction de la densité de population (zone densément peuplée, zone urbanisée intermédiaire et zone faiblement peuplée), qui expliquent bien les attitudes au sein de la population. Dans les zones urbanisées et densément peuplées, les avis sur la diversité sont positifs, alors qu’ils sont moins favorables, voire négatifs, dans les zones faiblement peuplées. La part de personnes qui ressentent un malaise face à un individu différent en raison de sa nationalité, de sa langue, de sa religion ou de sa couleur de peau, est plus élevée dans les zones non urbanisées (40%) que dans les zones urbanisées (26%). L’attitude envers les ressortissants étrangers s’avère également plus positive dans les zones densément peuplées que dans les zones intermédiaires ou faiblement peuplées. Un indicateur qui mesure la menace ressentie par la population révèle un écart similaire: 22% des personnes vivant dans des zones non urbanisées se sentent menacées par les non-nationaux, tandis que seuls 12% font état du même sentiment dans les zones urbanisées.
Les attitudes varient donc en fonction du degré d’urbanisation des régions suisses. Ce résultat tend à confirmer l’hypothèse du contact avancée par Allport (1954) et par Hewstone et Swart (2011). Selon cette théorie, l’ouverture envers la population immigrée s’accroît avec l’intensité des contacts entre «endogroupes» et «exogroupes». Sachant que les centres urbains augmentent les occasions de rencontrer les «autres» et compte tenu des résultats présentés plus haut, on peut admettre que l’urbanisation est une bonne variable pour remplacer celle du contact.
7.4.3 Attitudes et facteurs individuels
Jusqu’ici, nous avons examiné l’influence de facteurs agrégés, telles les pratiques cantonales et la démographie, sur les attitudes face à la diversité en Suisse et constaté que la corrélation entre les premiers et les secondes est faible à moyenne. Nous analysons à présent le poids de facteurs individuels. Cette démarche plus globale vise tout d’abord à comprendre le rôle des facteurs individuels, puis l’importance du contexte institutionnel parmi d’autres facteurs Parmi différentes variables disponibles dans l’enquête de l’OFS sur le vivre ensemble en Suisse, nous en avons testé plusieurs – sexe, âge, nationalité, statut sur le marché du travail, conditions de vie, orientation politique (gauche-droite) et appartenance religieuse – à titre de facteurs explicatifs additionnels. .
Le lien entre facteurs individuels et attitudes envers les «autres» tend à se confirmer davantage que pour tout autre facteur contextuel (voir tableau T7.2 en annexe). À l’exception du sexe, qui n’est pas nettement associé aux attitudes analysées, tous les facteurs individuels présentent de fortes corrélations. Trois facteurs ressortent du lot: les conditions de vie, la nationalité et l’orientation politique (gauche-droite).
Conditions de vie
Les conditions de vie (voir encadré 7.4 «Conditions de vie»), qui correspondent ici à la situation financière des ménages, sont un facteur qui explique en grande partie l’attitude envers les «autres». Les personnes vivant dans des conditions difficiles tendent à avoir un avis plus négatif sur la diversité et les non-nationaux que des personnes vivant dans des conditions bonnes ou assez bonnes. La proportion de la population qui ressent un malaise face à un individu perçu comme différent est ainsi plus élevée parmi les personnes aux conditions de vie difficiles (49%) que parmi celles bénéficiant de bonnes conditions de vie (31%). Dans le même sens, des personnes confrontées à des difficultés financières sont moins enclines à octroyer davantage de droits aux non-nationaux que celles vivant dans l’aisance. Pour ce qui est du regroupement familial, 49% des personnes du premier groupe accepteraient d’accorder ce droit contre 63% dans le second.
Encadré 7.4: Conditions de vie
Le facteur lié aux conditions de vie se fonde sur la manière dont les personnes vivant dans un ménage perçoivent leur capacité financière à joindre les deux bouts à la fin du mois. Les réponses à la question sont classées dans quatre catégories allant de «très facile» à «très difficile» et sont censées refléter le niveau de revenu du ménage.
Nationalité et expérience de la naturalisation
La nationalité et la naturalisation sont deux facteurs très proches qui expliquent les attitudes envers l’altérité. En matière de perception de la diversité, l’attitude des personnes de nationalité suisse diffère systématiquement de celle des ressortissants étrangers. Quel que soit le sujet considéré, ces derniers font preuve d’une plus grande ouverture envers les non-nationaux, tandis que les Suisses se montrent plus fermés. Pour ce qui est des droits, une majorité des citoyens suisses sont prêts à élargir les droits des étrangers vivant dans le pays afin d’y inclure le droit au regroupement familial, la naturalisation automatique et le droit de vote. Si l’attitude est positive, le degré d’approbation reste toujours inférieur à celui mesuré chez les ressortissants étrangers. En ce qui concerne la participation politique, en particulier le droit de vote aux niveaux communal et cantonal, un écart considérable sépare les deux groupes: 39% des Suisses, contre 72% des non-nationaux, estiment que les étrangers devraient pouvoir exprimer leur opinion politique par le biais du vote.
La naturalisation, considérée ici comme la caractéristique qui distingue les personnes suisses de naissance et celles devenues suisses au terme d’une procédure de naturalisation, compte aussi parmi les facteurs clés liés aux attitudes face à la diversité. Elle dénote les mêmes tendances que le facteur «nationalité». Les attitudes des personnes naturalisées diffèrent de celles des personnes nées suisses et de celles des étrangers. Dans l’ensemble, les ressortissants étrangers restent le groupe qui se montre le plus ouvert aux «autres», tandis que les Suisses de naissance sont les plus fermés; les Suisses naturalisés se situent entre les deux, leur attitude s’avérant inclusive ou restrictive selon les sujets. Parmi les personnes suisses nées suisses, 41% ressentent par exemple un malaise lorsqu’elles rencontrent un individu perçu comme différent et la proportion est de 26% parmi les personnes naturalisées. C’est parmi les étrangers que ce sentiment est le moins répandu: 20%. Il est possible d’établir un lien entre la naturalisation et les droits que la population accorderait aux non-nationaux. Les avis concernant le droit de vote aux niveaux cantonal et communal en sont un excellent exemple. Parmi les personnes suisses depuis la naissance, 37% estiment qu’il convient d’accorder ce droit aux étrangers, alors que la proportion atteint 51% parmi les personnes naturalisées. Ce sont à nouveau les ressortissants étrangers qui sont plus favorables que tous les autres groupes à l’élargissement des droits civiques des non-nationaux (72%).
Quel que soit le sujet considéré, les écarts qui séparent les opinions des différents groupes mettent en évidence un lien entre nationalité et expérience de la naturalisation, d’une part, et attitudes envers les «autres», d’autre part. La relation entre citoyenneté et attitudes est significative et peut être qualifiée de forte.
Orientation politique (gauche-droite)
Globalement, parmi tous les facteurs considérés, l’orientation politique (gauche-droite) est celui qui explique le mieux les attitudes face à la diversité. Les opinions politiques peuvent dès lors être perçues comme un facteur clé dans l’explication des attitudes envers les «autres». Le modèle qui analyse les attitudes face à la diversité (voir tableau T7.2 en annexe) montre que les personnes positionnées à droite de l’échiquier politique sont 2,2 fois plus susceptibles d’avoir un avis négatif sur la diversité que celles situées au centre. Près de l’extrémité droite de l’échiquier (niveau 9), la valeur estimée atteint 8, c’est-à-dire que les personnes affichant cette position politique sont 8 fois plus susceptibles d’avoir un tel avis que celles situées au centre. Plus en détail, on observe que le sentiment de malaise face à la diversité est le moins répandu parmi les personnes positionnées à gauche (16% de ce groupe éprouvent ce sentiment) et le plus fréquent au sein de la droite (56%), les centristes se situant entre les deux (36%). Pour ce qui est des droits à accorder aux non-nationaux, on observe les mêmes tendances en termes d’attitudes: à gauche, les gens sont plus enclins à élargir les droits des ressortissants étrangers (73% leur accorderaient le droit de vote; 79% le droit à la naturalisation automatique de la deuxième génération; 83% le droit au regroupement familial), tandis que ceux de la droite sont nettement moins favorables à un tel élargissement (23% pour le droit de vote; 31% pour le droit à la naturalisation automatique de la deuxième génération; 37% pour le droit au regroupement familial).
7.4.4 Influence du contexte institutionnel
sur les attitudes et sur les facteurs individuels
L’évaluation du poids des facteurs institutionnel, démographique et individuels pris séparément a révélé que ces derniers sont plus étroitement liés aux attitudes face à la diversité et à l’altérité que les deux premiers types de facteurs, tous deux agrégés. Pour prendre en compte aussi bien les facteurs individuels que les facteurs contextuels dans la même analyse – en procédant en fait à une évaluation combinée de différents types de facteurs qui se distinguent par leur niveau – il est possible d’évaluer le poids de chaque facteur individuel pour divers groupes de cantons. Comme auparavant, chaque groupe de cantons est défini en fonction du degré d’inclusivité des pratiques administratives (Probst et al. 2019). Considérer les facteurs qui expliquent au mieux les attitudes au sein de chaque groupe de cantons offre un autre moyen d’appréhender la relation entre les attitudes face à la diversité et l’inclusivité des cantons ainsi que leurs pratiques.
Il est intéressant de constater que la situation cantonale exerce une influence sur le classement des facteurs expliquant les attitudes face à la diversité ou face aux «autres». Dans les cantons considérés comme non inclusifs en raison de leurs pratiques administratives, l’orientation politique, la nationalité, l’âge et les conditions de vie sont les trois principaux critères associés aux attitudes. La situation observée dans les cantons restrictifs est proche de celle qui prévaut dans l’ensemble de la Suisse (voir section 7.4.3). Dans les cantons décrits comme inclusifs, d’autres variables, en dehors de l’orientation politique et des conditions de vie, s’avèrent plus importantes: le statut sur le marché du travail (avoir un emploi ou être au chômage notamment) et le niveau de formation sont les premiers facteurs qui expliquent les attitudes observées. Dans ce type de cantons, la nationalité ne semble pas étroitement liée aux attitudes face à la diversité. À ce stade, il convient de relativiser le rôle de la citoyenneté et de sa capacité à forger des attitudes: la citoyenneté joue certes un rôle important, mais seulement dans le contexte de certains cantons restrictifs.
7.5 Conclusion
En Suisse, comme dans d’autres pays occidentaux industrialisés, la migration a constitué un phénomène social fondamental (Sayad 1991), qui a modifié la structure et l’évolution des sociétés modernes. Le défi auquel celles-ci ont été confrontées, en particulier après 1945, consistait à trouver un nouveau compromis afin d’adapter les institutions à la transformation sociétale engendrée par la migration. Or, il est de l’intérêt de l’État de faire coïncider collectivité imaginée et collectivité réelle et de préparer la nation à relever de futurs défis. À cet égard, la citoyenneté peut être l’un des leviers sociétaux permettant de promouvoir l’adaptation institutionnelle. Sa gestion peut varier selon différents critères et traditions: la citoyenneté peut s’acquérir par la naissance ou par la lignée familiale, la naturalisation peut être définie de manière libérale ou restrictive. L’effort consenti par des systèmes politiques pour adapter les politiques régissant la citoyenneté aux habitants récemment arrivés dans le pays peut être perçu comme la volonté d’accroître la capacité d’adaptation des institutions à de nouvelles réalités sociales. Un tel changement restera cependant impossible si la culture politique d’une collectivité ou les attitudes de ses citoyens s’opposent à l’inclusion. Un changement ne peut s’installer de manière durable que si la population l’accepte et y adhère.
En Suisse, les cantons et les communes ont leur mot à dire quant à l’acquisition de la citoyenneté et à l’ouverture institutionnelle. Il s’avère donc indispensable de connaître, par exemple, la culture politique des cantons et l’attitude de leurs citoyens pour comprendre le caractère inclusif ou exclusif des politiques régissant la citoyenneté. Les normes en la matière varient fortement en fonction des modèles cantonaux. Le fédéralisme exécutif, principe fondamental du système politique suisse, accorde une marge d’appréciation aux cantons dans l’application des lois fédérales et fait ainsi des cantons des laboratoires se prêtant à l’expérimentation de différentes pratiques. Pour ce qui est de l’inclusion, le positionnement politique des autorités cantonales exerce une influence sur les pratiques en matière de naturalisation. Une proportion élevée de personnes issues de la migration favorise aussi l’application de pratiques libérales dans ce domaine.
Afin de comprendre les liens complexes entre contexte institutionnel et attitudes de la population, nous avons combiné les résultats d’une enquête de l’OFS et ceux d’une récente étude de Probst et al. (2019). Ce faisant, nous avons distingué les cantons inclusifs des cantons moins inclusifs et corrélé cette information avec des attitudes individuelles positives ou négatives face à la diversité. Les citoyens vivant dans des cantons dotés d’une culture politique et de pratiques plus inclusives se montrent plus ouverts envers d’autres personnes, qu’il s’agisse de personnes immigrées ou appartenant à une minorité. La combinaison des deux études a par ailleurs révélé que les personnes vivant dans des cantons présentant une démographie plus diversifiée affichent une attitude plus libérale envers différentes formes d’altérité. À l’opposé, moins la population d’un canton est diversifiée, plus ses citoyens adoptent une attitude négative. Les pratiques politiques d’un canton et la composition de sa population ont donc une influence sur les attitudes libérales, mais la relation est statistiquement faible.
On obtient des résultats plus probants en se concentrant sur le niveau individuel et en mesurant le rapport entre certaines attitudes et certaines catégories (urbanisation en référence avec des données individuelles). Comparées à celles observées avec les indices politique et démographique, les relations obtenues sont plus fortes: dans les zones urbanisées et densément peuplées, les avis sur la diversité et les non-nationaux sont positifs, alors qu’ils sont moins favorables, voire négatifs, dans les régions moins peuplées. Ce constat confirme l’hypothèse selon laquelle l’ouverture envers les autres augmente dans les zones densément peuplées, où des contacts étroits entre «endogroupes» et «exogroupes» sont plus probables.
Mettre davantage l’accent sur les facteurs individuels a confirmé leur forte corrélation avec les attitudes face aux personnes issues de la migration ou appartenant à une minorité. Des conditions de vie confortables et une expérience de la migration dans la famille sont presque toujours synonymes d’attitudes libérales envers les «autres», favorables à l’ouverture des institutions aux migrants ainsi qu’aux minorités. Comme on pouvait s’y attendre, c’est l’orientation politique qui présente la relation la plus forte avec des attitudes positives: les personnes soutenant une droite radicale ont une opinion nettement plus négative de la diversité que les libéraux de gauche et les centristes, qui se montrent plus positifs envers les «autres».
En conclusion, plus les cantons sont diversifiés sur les plans politique et démographique et plus leur population est habituée à la diversité, plus leurs institutions s’avèrent ouvertes. De fait, la voie vers l’intégration n’est pas à sens unique: les institutions exercent un effet sur les possibilités d’inclusion, mais celles-ci subissent à l’inverse l’influence des attitudes. Ainsi, dans une démocratie directe comme la Suisse, importe-il de toujours prendre en considération les deux niveaux (institutionnel et individuel) dans les questions qui ont pour enjeu l’inclusion et l’exclusion.
Annexe
Régression logistique des attitudes négatives face à la diversité, en 2018T7.1
Variable expliquée 1 = Attitudes négatives face à la diversité 0 = Autres attitudes |
Estimation du rapport de cotes | Variable expliquée | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
Estimation | Intervalle de confiance: 95% | Valeur p | ||||
Inclusivité des pratiques cantonales | ||||||
Modalité de référence | Cantons inclusifs | 176 | ||||
Cantons entre inclusivité et restrictivité |
1,13 | 0,88 | 1,44 | 0,34 | 311 | |
Cantons restrictifs | 0,97 | 0,74 | 1,28 | 0,83 | 582 | |
Diversité | ||||||
Modalité de référence | Cantons à forte diversité | 517 | ||||
Cantons à diversité moyenne | 1,71 | 1,13 | 2,59 | 0,01 | 494 | |
Cantons à faible diversité | 1,14 | 0,96 | 1,35 | 0,13 | 58 | |
Degré d'urbanisation | ||||||
Modalité de référence | Zone densément peuplée | 605 | ||||
Zone urbanisée intermédiaire | 1,43 | 1,18 | 1,74 | 0,00 | 262 | |
Zone faiblement peuplée | 1,63 | 1,31 | 2,04 | <,0001 | 202 | |
Région linguistique de la Suisse | ||||||
Modalité de référence |
Région germanophone et romanche |
819 | ||||
Région francophone | 0,68 | 0,53 | 0,86 | 0,00 | 179 | |
Région italophone | 0,74 | 0,53 | 1,05 | 0,09 | 71 | |
Influence des variables sur le modèle | Degré de liberté | Wald Chi² | Pr > Chi² | |||
Inclusivité des pratiques cantonales | 2 | 2,38 | 0,30 | |||
Diversité | 2 | 7,32 | 0,03 | |||
Degré d'urbanisation | 2 | 25,57 | <,0001 | |||
Région linguistique de la Suisse | 2 | 12,04 | 0,00 | |||
Test de l'hypothèse nulle | Degré de liberté | Valeur F | Pr > F | |||
Rapport de vraisemblance | 8 | 20883,1 | <,0001 | |||
Test «score» | 8 | 9,24 | <,0001 | |||
Test de Wald | 8 | 8,8 | <,0001 |
Pour connaître le degré de significativité de la modalité d’une variable, on considère la valeur p. Si elle est inférieure à 5% (0.05), la modalité est jugée suffisamment significative.
Si l’on considère la probabilité d'avoir des attitudes négatives face à la diversité pour un groupe comparativement à un groupe de référence, un rapport de cotes s’approchant de 1,0 signifie qu’il n’y a aucune différence entre les deux groupes pour ce qui est de cette probabilité.
Un rapport de cotes inférieur à 1,0 indique que le groupe étudié est moins susceptible d'avoir des attitudes négatives face à la diversité que le groupe de référence.
Un rapport de cotes supérieur à 1,0 indique que le groupe étudié est plus susceptible d'avoir des attitudes négatives face à la diversité que le groupe de référence.
Source: OFS – VeS
© OFS, auteure/auteur 2020
Régression logistique des attitudes négatives face à la diversité, en 2018T7.2
Variable expliquée 1 = Attitudes négatives face à la diversité 0 = Autres attitudes |
Estimation du rapport de cotes | Variable expliquée | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
Estimation | Intervalle de confiance: 95% | Valeur p | ||||
Sexe | ||||||
Modalité de référence | Femmes | 549 | ||||
Hommes | 1,00 | 0,84 | 1,18 | 0,99 | 520 | |
Âge | ||||||
Modalité de référence | 40–54 ans | 271 | ||||
15–24 ans | 0,78 | 0,59 | 1,04 | 0,09 | 115 | |
25–39 ans | 0,95 | 0,75 | 1,21 | 0,69 | 232 | |
55–64 ans | 0,99 | 0,76 | 1,29 | 0,95 | 179 | |
65 ans ou plus | 1,39 | 1,05 | 1,85 | 0,02 | 272 | |
Nationalité | ||||||
Modalité de référence | Suisse | 937 | ||||
Étrangère | 0,45 | 0,35 | 0,57 | <,0001 | 132 | |
Niveau de formation | ||||||
Modalité de référence | Niveau secondaire II | 516 | ||||
École obligatoire | 1,09 | 0,86 | 1,39 | 0,48 | 180 | |
Degré tertiaire | 0,81 | 0,67 | 0,98 | 0,03 | 369 | |
Statut sur le marché du travail | ||||||
Modalité de référence | Personne active | 769 | ||||
Personne au chômage | 0,37 | 0,18 | 0,79 | 0,01 | 11 | |
Personne non active | 0,74 | 0,59 | 0,93 | 0,01 | 283 | |
Conditions de vie | ||||||
Modalité de référence | Bonnes | 526 | ||||
Plutôt bonnes | 1,43 | 1,19 | 1,72 | 0,00 | 407 | |
Plutôt mauvaises | 1,56 | 1,15 | 2,12 | 0,00 | 86 | |
Mauvaises | 2,87 | 1,75 | 4,71 | <,0001 | 38 | |
Orientation politique (gauche-droite)* | ||||||
Modalité de référence | Centre (niveaux 4–6*) | 324 | ||||
Gauche (niveaux 0–3*) | 0,33 | 0,25 | 0,44 | <,0001 | 102 | |
Droite (niveaux 7–10*) | 2,23 | 1,79 | 2,78 | <,0001 | 351 | |
Pas d'affiliation politique | 0,79 | 0,61 | 1,01 | 0,06 | 169 | |
Croyance/spiritualité | ||||||
Modalité de référence | Personne plutôt croyante | 443 | ||||
Personne croyante | 0,95 | 0,72 | 1,25 | 0,71 | 119 | |
Personne plutôt non-croyante |
1,02 | 0,83 | 1,25 | 0,89 | 272 | |
Personne non-croyante | 1,22 | 0,98 | 1,54 | 0,08 | 232 | |
Influence des variables sur le modèle | Degré de liberté | Wald Chi² | Pr > Chi² | |||
Sexe | 1 | 0,00 | 0,99 | |||
Âge | 4 | 13,77 | 0,01 | |||
Nationalité | 1 | 42,93 | <,0001 | |||
Niveau de formation | 3 | 6,36 | 0,10 | |||
Statut sur le marché du travail | 3 | 12,84 | 0,01 | |||
Conditions de vie | 4 | 30,14 | <,0001 | |||
Orientation politique (gauche–droite) | 4 | 185,89 | <,0001 | |||
Croyance/spiritualité | 4 | 11,76 | 0,02 | |||
Test de l'hypothèse nulle | Degré de liberté | Valeur F | Pr > F | |||
Rapport de vraisemblance | 24 | 36 118,30 | <,0001 | |||
Test «score» | 24 | 16,13 | <,0001 | |||
Test de Wald | 24 | 12,50 | <,0001 |
Pour connaître le degré de significativité de la modalité d’une variable, on considère la valeur p. Si elle est inférieure à 5% (0.05), la modalité est jugée suffisamment significative.
Si l’on considère la probabilité d'avoir des attitudes négatives face à la diversité pour un groupe comparativement à un groupe de référence, un rapport de cotes s’approchant de 1,0 signifie qu’il n’y a aucune différence entre les deux groupes pour ce qui est de cette probabilité.
Un rapport de cotes inférieur à 1,0 indique que le groupe étudié est moins susceptible d'avoir des attitudes négatives face à la diversité que le groupe de référence.
Un rapport de cotes supérieur à 1,0 indique que le groupe étudié est plus susceptible d'avoir des attitudes négatives face à la diversité que le groupe de référence.
* Sur une échelle de 0 à 10 dans laquelle 0 signifie «complétement à gauche» et 10 «complétement à droite».
Source: OFS – VeS
© OFS, auteure/auteur 2020
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Informations sur l’auteure et l’auteur
Marion Aeberli (1988), master en sciences sociales, sociologie, collaboratrice scientifique à l’Office fédéral de la statistique. Domaines de recherche: migration, intégration, vivre ensemble, racisme, xénophobie, discrimination
Gianni D’Amato (1963), Dr, Professeur de migration et citoyenneté à l’Université de Neuchâtel et directeur du nccr – on the move et du Forum Suisse pour l’étude des migrations et de la population. Domaines de recherche: citoyenneté, mobilité, populisme et histoire de la migration.